Ah, Nicolas Sarkozy ! L’homme qui a tout fait à vitesse grand V : réformes express, mariages éclairs, polémiques instantanées. Celui qui déclarait, avec la condescendance en or massif d’un ancien président, qu’à quarante ans, si l’on n’avait pas une Rolex, on avait raté sa vie. Une déclaration qui avait suscité bien des moqueries, mais aujourd’hui, le destin a joué un joli tour au célèbre adepte du luxe ostentatoire. Avant ses soixante-dix ans, Sarkozy ne porte pas seulement une Rolex ; il arbore désormais un bracelet électronique. Un modèle d’avant-garde, certes, mais un peu moins prestigieux. Quand le style devient symbole Ce bracelet électronique, véritable gadget technologique, est loin des codes du luxe que l’ancien président affectionnait. Mais, qu’on se rassure : il est totalement assorti à la Rolex. Ce n’est pas tous les jours qu’un ancien chef d’État, habitué aux tapis rouges et aux cocktails étoilés, découvre les joies de la surveillance judiciaire à domicile. La France, terre des droits de l’Homme et des jugements équitables, a eu le cran de rappeler que même un président n’est pas au-dessus des lois. Un an sous surveillance, donc, pour une affaire de corruption et trafic d’influence. Rien de révolutionnaire pour un pays où l’on juge (et condamne !) les figures politiques les plus éminentes. On se souvient de Jacques Chirac, épinglé lui aussi, ou encore de François Fillon, tombé de son piédestal. Mais la scène est tout de même savoureuse : Sarkozy, qui aimait tellement contrôler les autres, devient lui-même… surveillé. Et au Liban ? Silence dans les rangs Imaginons un instant cette situation au Liban. Nos politiciens corrompus et nos banquiers véreux, attachés à leurs privilèges comme un Bernard-l’hermite à sa coquille, porter un bracelet électronique ? Quelle idée absurde. Chez nous, ce serait presque un insigne d’honneur, un accessoire que l’on exhiberait fièrement lors des banquets de mariage ou des conférences internationales. Prenons l’exemple de nos chers banquiers, ceux qui ont orchestré l’effondrement économique du pays. Ils ne portent pas de bracelets électroniques, mais ils possèdent des yachts, des villas sur la Riviera et des comptes bancaires bien garnis (ailleurs qu’au Liban, évidemment). Leur punition pour avoir ruiné une nation entière ? Une promotion sociale et un respect hypocrite dans les cercles fermés de l’élite locale. Quant aux politiciens libanais, ces virtuoses de l’esquive judiciaire, ils traversent les scandales comme un conducteur roule sur une route pleine de nids-de-poule : en accélérant. Un détournement de fonds ? Une fraude électorale ? Une explosion meurtrière au port de Beyrouth ? Pas de problème, il suffit de donner quelques interviews larmoyantes et de faire une apparition à la messe du dimanche pour regagner l’estime du peuple. Un bracelet pour tous ? Dans une société idéale, il faudrait distribuer des bracelets électroniques comme on distribue des visas de sortie au Liban : généreusement. Un pour chaque ministre qui a pillé les caisses publiques, un pour chaque député qui a voté des lois au service de son clan, un pour chaque banquier qui a bloqué les économies d’une vie entière aux Libanais. Et pourquoi pas un bracelet collectif pour les institutions elles-mêmes, histoire de rappeler que la justice devrait fonctionner au service du peuple et non de ses bourreaux ? Mais non, au Liban, la corruption est un art de vivre. On admire ceux qui nous volent, comme on applaudit un magicien qui fait disparaître une carte sous nos yeux. On les réélit, on les vénère, on leur pardonne tout. C’est une mentalité fascinante, presque masochiste, qui contraste fortement avec la rigueur française. Morale de l’histoire La morale, s’il en est une, est bien triste pour le Liban. En France, même un ancien président n’est pas intouchable. Au Liban, l’impunité est reine. Si Sarkozy avait été un homme politique libanais, il serait probablement en train de savourer un café à Paris, loin de toute contrainte judiciaire, ou mieux encore, en train de donner des leçons de morale sur la scène internationale. Alors, oui, la France nous offre une petite leçon d’humilité à travers ce jugement contre Sarkozy. Une Rolex à quarante ans ou un bracelet électronique à soixante-dix, c’est toujours une question de priorités. Et chez nous, au Liban, il serait peut-être temps de remettre les pendules à l’heure – ou les bracelets aux poignets de ceux qui le méritent. Mais ne rêvons pas trop : au pays du Cèdre, les bracelets sont pour les montres, pas pour les coupables.
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