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La Russie en Afrique francophone depuis les indépendances :quels moyens pour une lutte d’influence franco-russe(1960-2023) ?
Par AB PICTORIS, Pierre VERLUISE, Selma MIHOUBI*, le 18 février 2023.
La lutte d’influence entre la Russie et la France n’est pas nouvelle, maiselle s’accentue incontestablement ces dernières années. Les deux cartesqui accompagnent cette étude le démontrent dans le temps et dansl’espace.
Le départ des forces françaises de la République centrafricaine, du Maliet du Burkina Faso, où la Russie renforce sa présence, ne semble pasfavorable à l’influence de Paris dans le domaine sécuritaire des payssubsahariens, où le discours anti-français gagne du terrain. La Russieuse d’un passé soviétique et d’une stratégie informationnelle qui laprésentent sur le continent africain comme un partenaire fiable, qui sedémarque de la France par son discours anticolonialiste. Paradoxe, laRussie se pense encore comme un empire et a relancé en 2022 uneguerre coloniale et impérialiste en Ukraine. Il n’en demeure pas moinsque la Russie marque des points en Afrique.
SERGEI Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, a déclaré lors d’une visitehistorique [1] à Bamako le 7 février 2023 : « La lutte contre le terrorisme reste unepriorité pour les [pays de la région sahélo-saharienne et du Golfe de Guinée] […]Nous [la Russie et le Mali] voyons la réaction des États occidentaux vis-à-vis del’évolution de nos relations, […] et cela reflète [leurs] approches néo-coloniales et[leur] politique du « deux poids-deux mesures » […] [Ils] veulent décider du sort detous les continents, […] mais nous pensons que ces anciennes métropoles oublientcomment elles ont exploité et envahi ces territoires ; elles doivent, à mon sens,comprendre que le monde a changé » [2].
La visite de Lavrov, qui intervient dans le cadre de sa tournée africaine enpréparation du deuxième sommet Russie-Afrique [3], n’a rien d’anodine et confirmebien le renforcement des relations russo-maliennes, et plus largement desrelations russo-africaines. Cette tournée a par ailleurs lieu quelques mois après ledépart des derniers contingents français du Mali et de la République centrafricainedans le cadre de l’arrêt des accords militaires qui unissaient Paris à Bangui et àBamako, où sont désormais déployés des mercenaires du groupe Wagner.
Après le départ des forces françaises de la République centrafricaine [4] et du Mali,achevé en 2022, c’est au tour du Burkina Faso en janvier 2023 d’annoncer l’arrêt deson accord d’assistance militaire technique (AMT) avec la France. Cet arrêt signedonc le retrait de l’armée française qui continuait sa lutte anti-terroriste dans lepays, alors que l’État burkinabé semble suivre la voie malienne et se rapprocher àson tour de Moscou. Le symbole de la tournée russe de février 2023 en
Afrique est donc très fort : la Russie montre qu’elle ancre durablement saprésence en Afrique subsaharienne francophone, historiquement liée à la France [5],où Paris continue d’exercer une influence, dans une moindre mesure sur les planséconomique et culturel, mais surtout dans le cadre sécuritaire. Les forces françaises,au Mali et en République centrafricaine, cèdent désormais leur place à des sociétésmilitaires privées (SMP) russes, telles que le célèbre groupe Wagner, dans lalutte anti-terroriste.
Il est nécessaire de noter que ce renforcement de la présence russe en Afriquesubsaharienne francophone intervient dans un espace post-colonial où il existeune montée du sentiment « anti-français » depuis le début des années 2000, qui serenforce notamment depuis ces six dernières années avec une multiplication desmanifestations en faveur du retrait des forces françaises. La Russie, en tantqu’héritière de l’Union soviétique, commençait déjà à investir l’échiquier africain àl’époque des indépendances en appuyant sur l’aspect « anti-impérialiste » associéà l’idéologie communiste pour se démarquer des anciennes puissances coloniales, etnotamment de la France. Comme nous pouvons le voir dans la déclaration de Lavroven accroche, cette idée est abondamment reprise et semble trouver écho dans unespace où le passé colonial a laissé des traces.
Les relations ne cessant de se détériorer entre l’État russe et les États occidentauxdepuis 2014 [6], et plus notamment entre la Russie et la France, dont les relationsconnaissaient déjà des rebondissements sur le dossier libyen [7], la volonté russed’investir un espace fortement associé à la France accentue cette rivalité. Elle mène àune véritable lutte d’influence entre les deux pays dans un espace qui leur est,somme toute, particulièrement stratégique. Alors, dans quelle mesure et parquels moyens la Russie ancre-t-elle son influence dans un espace où laFrance a une influence historique ?
Nous répondrons à partir de deux cartes dont le commentaire s’organise en troisparties : De l’influence soviétique dans un espace tout juste décolonisé par la France :pierre angulaire de l’influence russe d’aujourd’hui ? (I) ; Lutte contre l’insécurité etcontre le terrorisme en Afrique : quand la présence russe sur le continent s’intensifieet intervient dans l’ancienne sphère d’influence française (II) ; De nouveaux outilsd’influence en Afrique francophone face au maintien d’un système favorisant lacoopération avec la France : les moyens d’une lutte d’influence franco-russe (III).
I. De l’influence soviétique dans un espace tout juste décolonisépar la France : pierre angulaire de l’influence russed’aujourd’hui ?
Décolonisation et réorganisation de l’influence française dans sesanciennes colonies
En 1958, la France se rend à l’évidence qu’elle doit amorcer un processus dedécolonisation au sein de son empire colonial. Le général de Gaulle propose unréférendum dans les territoires de l’Union française qui vise, si accepté, à
transformer l’Union en une Communauté d’États. En effet, cette Communautéfrançaise ouvre aux territoires colonisés le statut d’État, même si dans les faits, ellerestreint leur souveraineté afin de les maintenir dans le giron français. À l’exceptionde la Guinée, qui refuse la Constitution et accède à l’indépendance en 1958, tous les« territoires d’outre-mer » [8] deviennent des États de la Communauté française,avant d’accéder à l’indépendance en 1960. Malgré les indépendances des paysafricains, la France souhaite maintenir avec eux une certaine proximité et uneimportante coopération dans plusieurs secteurs, notamment monétaire,économique, culturelle et sécuritaire.
Par exemple, cette proximité et cette coopération monétaire se perçoit dès 1960 dansle très controversé Franc CFA, indexé sur le Franc français. Présenté comme unemonnaie qui a pour but de renforcer la stabilité monétaire des pays en évitant lesbrusques dévaluations et en facilitant les transferts de capitaux au sein de la zoneFranc [9], il suscite de nombreuses critiques idéologiques depuis cette époque. Cescritiques, poussant d’ailleurs quelques pays à sortir de la zone monétaire tels que leMali [10] ou encore la Guinée, sont par ailleurs un des points d’orgue du discourssoviétique (et maintenant russe) dans la région. Il est alors présenté comme unvestige de la colonisation française, et donc comme un instrument au service del’impérialisme français.
De plus, et peut-être de manière plus significative, cette proximité se traduit par lasignature d’accords de défense et d’accords d’assistance militaire technique (AMT)avec la grande majorité des États issus de la Communauté française dès 1960. Lesaccords de défense permettent à Paris de maintenir son influence et de déployer undispositif militaire sur place, et donc d’acquérir son statut de partenaire deprédilection dans leur sécurité. C’est notamment dans ce cadre que la Francepossède encore en janvier 2023 des forces pré-positionnées en Afrique, au sein desÉtats qui possèdent toujours des accords de défense avec Paris : c’est le cas duGabon, du Sénégal [11], de la Côte d’Ivoire, du Togo, du Cameroun, et de Djibouti.La République centrafricaine, qui possédait encore des accords de défense avec laFrance, les a annulé en 2021 lorsqu’elle a appelé au départ des forces françaises.
Il est cependant important de noter que plusieurs États, au cours des années 1970,ont révisé ou annulé leurs accords de défense avec la France pour privilégier leuraccord AMT [12]. Cela se fait notamment dans un contexte où la France est vivementcritiquée, en Afrique comme ailleurs, pour ses nombreuses interventions au cours dela deuxième moitié du XXème siècle au sein de ses anciennes colonies sur la base deces accords de défense. À nouveau, et à l’instar du Franc CFA, cette représentation,souvent utilisée par l’URSS lors de la Guerre froide et aujourd’hui par la Russie,conforte dans cet espace post-colonial la vision d’une France en tant quepuissance « à l’approche néo-coloniale », pour reprendre les termes de S. Lavrov lorsde sa visite du 7 février 2023 à Bamako.
Du soutien au « Groupe de Casablanca » à la pérennisation del’Université Patrice-Lumumba à Moscou : quand l’URSS souhaite
s’implanter sur l’échiquier africain
L’URSS n’ayant pas réellement réussi à ancrer une influence au Moyen-Orient, mis àpart en Syrie, elle se tourne dès la fin des années 1950, comme la Chine communiste,vers le continent africain. La Guerre froide, qui s’est installée à partir de 1947,couplée au processus de décolonisation sur le continent, lance une nouvelle « courseà l’Afrique » entre les deux blocs.
Moscou finance des mouvements révolutionnaires et indépendantistes, tels que leParti communiste en Afrique du Sud, le Mouvement populaire pour la libération del’Angola, le Front de Libération du Mozambique ou encore l’Union du peuple africaindu Zimbabwe [13]. Cela influencera notamment la construction politique de quelquesnouveaux États indépendants, certains pays africains rejoignant dès 1964 le Systèmecommuniste mondial, tels que le Burkina Faso, le Bénin, le Congo, l’Angola ouencore le Mozambique. L’Union soviétique entend également se positionner commeun partenaire commercial de choix sur le continent. Elle entame donc des relationscommerciales avec des pays qui venant d’accéder à l’indépendance, comme l’Égypte,qui devient le premier pays africain à signer un traité commercial avec l’URSS en1956, la Tunisie en 1957, le Maroc en 1958 ou encore la Guinée en 1959.
Ayant amorcé sa lutte contre l’impérialisme à l’échelle mondiale, l’Union soviétiquecommence également à jouer la carte de l’anticolonialisme sur le continent africain,en étant précédemment à l’origine à l’Assemblée générale des Nations Unies de la« Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux » en1960. Elle soutient également en 1958 le « Groupe de Casablanca », composé duMaroc, de l’Algérie, de la Libye, du Soudan, du Mali, de la Guinée et du Ghana, quipromeut une unité africaine sous le signe de l’émancipation coloniale. Cela luiconfère un avantage de choix vis-à-vis des anciennes puissances coloniales,notamment la France et le Royaume-Uni, pour le renforcement de sa présence dansun espace post-colonial. Entre 1950 et la fin des années 1980, l’Union soviétiqueinvestit cet espace en envoyant de nombreux conseillers militaires, en formant des« experts », et aussi, en invitant environ 25 000 Africains [14] à étudier en URSS.L’Université Patrice-Lumumba [15] est l’incarnation de cette influence soviétique parl’enseignement, en accueillant des étudiants venus d’Afrique, d’Asie et d’AmériqueLatine. Renommée « Université russe de l’Amitié des peuples » en 1992 à la chute del’Union soviétique, ce n’est pas un hasard si elle retrouve en 2023 le nom de PatriceLumumba [16], alors que la Russie vise à ancrer durablement son influence sur lecontinent.
Carte. La Russie en Afrique francophone depuis lesindépendances : les moyens d’une lutte d’influence
franco-russe (1960-2023). Partie 1/2 Influencer par lebiais de la sécurité et de la lutte contre le terrorismeCliquer sur la vignette pour agrandir la carte. Conception : B.
Lambert, S. Mihoubi, P. Verluise. Réalisation : B. Lambert, ABPictoris. Télécharger en haute qualité pour impression auformat PDF
II. Lutte contre l’insécurité et contre le terrorisme en Afrique :quand la présence russe sur le continent s’intensifie et intervientdans l’ancienne sphère d’influence françaiseDe la présence militaire française en Afrique : le dispositif militairefrançais à l’épreuve de la lutte contre le terrorisme
Après la première guerre civile libyenne (février-octobre 2011), la mort deMouammar Kadhafi et l’échec de la transition politique en Libye, de nombreuxgroupes armés terroristes (GAT) ont fait leur apparition dans le pays, et s’y sontdurablement implantés. La forte instabilité du pays, qui a d’ailleurs engendré uneseconde guerre civile (2014-2020), transforme le territoire libyen en un refuge pourles combattants djihadistes, menaçant alors directement toute la bande sahélosaharienne. Cette région, où la gouvernance étatique est déjà compliquée et en proieà un extrémisme violent, au trafic illicite ou encore à la radicalisation, se retrouvealors face à une extrême insécurité à laquelle il faut urgemment remédier.
C’est dans ce contexte qu’à partir de janvier 2012, le mouvement salafiste AnsarDine, couplé du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA),menacent directement l’intégrité territoriale malienne et font craindre l’installationdurable de GAT au Sahel. La prise de la ville de Konna en janvier 2013 pousse leprésident malien Dioncouna Traoré à envoyer une lettre au Secrétaire général del’ONU, Ban Ki-Moon, demandant à la France une aide militaire urgente. La Francedécide d’intervenir au Mali dans le cadre de l’opération Serval (2013-2014), qui seraélargie à tout l’espace du G5 Sahel et renommée opération Barkhane (2014-2022) àcause de l’expansion de la présence des GAT dans la région.
La France semble donc avoir acquis un rôle de partenaire de prédilection dans lasécurité des pays subsahariens. En effet, la présence de forces françaises prépositionnées en Afrique (Sénégal, Gabon, Côte d’Ivoire, Togo, Cameroun, Djibouti)en plus des forces déployées dans le cadre de l’opération Épervier au Tchad permet àla France d’adapter son dispositif à cette nouvelle menace, et ainsi de garder uneréelle proximité, et donc une influence, avec les États de la région. Le maintien de sesforces, en plus du poids de la France dans les importations africaines d’armes, fontd’elle un acteur de taille dans la sécurité subsaharienne. En effet, l’État français est lapremière source des importations d’armes du Gabon et de la Côte d’Ivoire entre 1960et 2021 [17], et est la deuxième source de celles du Burkina Faso, de la Mauritanie,du Niger, ou encore du Cameroun sur la même période [18]. De plus, cette placedans les importations africaines d’armes n’est pas seulement réservée à l’Afriquefrancophone : d’autres pays africains achètent des armes à la France, tels quel’Éthiopie, le Kenya, la Somalie, l’Ouganda ou encore l’Angola [19]. Paris a par
ailleurs conclu des accords AMT en dehors de son ancienne sphère d’influence,notamment avec la République démocratique du Congo, le Rwanda, le Burundi, laTanzanie ou encore la Guinée équatoriale.
L’influence française en Afrique passe ainsi incontestablement par les moyensassociés à la sécurité des États. Cependant, c’est peut-être dans ce domaine quela France perd le plus d’influence face à la Russie. En effet, et commementionné plus haut, Paris a du faire face, dans un contexte de renforcement dusentiment « anti-français » [20], à l’arrêt brutal de ses accords AMT d’abord enRépublique centrafricaine en 2021, puis au Mali en 2022, les deux pays s’étantfortement rapprochés de la Russie. Le même scénario se produit en 2023 au BurkinaFaso, Ouagadougou semblant prendre la même direction que la junte malienne. LaFrance a alors adapté son dispositif à ces changements politiques en redéployant sestroupes après la fermeture des bases militaires françaises au Mali et en mettant fin àl’opération Barkhane en novembre 2022 [21]. Intensification de la présence russe en Afrique par le retour des accordsde coopération militaire avec Moscou
Alors que la chute de l’Union soviétique (décembre 1991) engendre la fermeture surle continent africain de neuf ambassades, de trois consulats et de 13 centres culturelsrusses [22], les relations russo-africaines passent au point mort et la lourde criseéconomique que subit la Russie pousse le président B. Eltsine à mettre un coupd’arrêt à l’aide étrangère russe. Ce n’est qu’à partir de la fin des années 2000 que laRussie, avec la visite de V. Poutine en Afrique du Sud en 2006, et celle de D.Medvedev en Angola, en Namibie et au Nigeria en 2009, retourne sur le continent.Ce retour de la présence russe est à étudier à la lumière de sa volonté dedéconstruire un ordre mondial jugé trop « américano-centré » [23] pourretrouver une place de choix sur la scène internationale. L’implication russe surcelui-ci devient donc un outil pour porter la voix et les intérêts de la Russie sur lascène internationale. La diplomatie russe use de l’Afrique dans un objectif de« rééquilibrage » des dynamiques de puissance, servant ses propres intérêts etvelléités de pouvoir. Tout s’accélère donc au début de la décennie 2010 : la Russie établit de nombreusesrelations diplomatiques et ouvre 40 ambassades sur le continent, qui se mobilisentpour promouvoir les intérêts russes. Elle envoie également des représentants au seinde l’Union africaine et d’autres communautés économiques plus régionales telles quela CEDEAO ou encore la Communauté d’Afrique de l’Est. Sous couvert de « rattraperle temps perdu », Moscou, qui a tout intérêt à user de son influence sur le continent,y reprend une certaine place même si sa présence, au début des années 2010, restefaible en comparaison avec la place de la France en Afrique.
Cependant, la Russie, en tant qu’héritière de l’Union soviétique, possède un atoutindéniable sur le continent africain : celui d’être un grand exportateur d’armesfiables et peu chères. En effet, l’Union soviétique représentait déjà, et de loin, lapremière source d’importations d’armes pour l’Angola, le Congo, l’Éthiopie ou
encore le Mozambique entre 1960 et 1991. C’est donc dans cette lignée que la Russiecontinue à exporter ses armes de fabrication soviétique aux pays africains : à l’instarde l’URSS, elle continue d’être la première source des importations d’armes pour lespays cités ci-dessus [24], mais également pour l’Algérie, le Mali ou encore pourMadagascar entre 1992 et 2021 [25]. C’est donc sur ce terrain de la sécurité quel’influence russe connait un nouvel essor, tout en s’appuyant sur les relations quel’Union soviétique entretenait notamment avec les pays au développementsocialiste : c’est notamment le cas de l’Angola, avec qui la Russie signe deuxnouveaux accords de coopération militaire en 2006 et en 2013 [26]. C’est pourtant après le conflit en Libye de 2011 qui a tendu les relations russofrançaises, et surtout après l’annexion russe de la Crimée en 2014, que la Russiedevient plus agressive sur le continent africain, et ce notamment dans le domaine dela sécurité. Alors que la Russie ne possédait que 7 accords de coopérationmilitaire en Afrique subsaharienne en 2017 [27], elle en possède 30 enfévrier 2023. L’État russe livre donc une importante lutte d’influence à la Francedans ce domaine, et ce notamment en concluant des accords avec des États issus del’ancienne sphère d’influence française, tels que le Niger, le Tchad, ou encore, biensûr, le Mali, le Burkina Faso et la République centrafricaine. Dans le cadre de cesaccords militaires, Moscou envoie des éléments de SMP en tant que conseillersmilitaires, qui semblent connaître un grand succès sur le continent. Ces SMP sontenvoyées dès 2016 en Afrique, avec le groupe Wagner en Libye [28] pour participeraux affrontements. Les SMP participent également à d’autres missions, telles que laprotection présidentielle comme c’est le cas en République centrafricaine, ce quipermet notamment à la Russie d’ancrer son influence dans les plus hautes sphèrespolitiques d’Afrique subsaharienne.
Carte. La Russie en Afrique francophone depuis lesindépendances : les moyens d’une lutte d’influencefranco-russe (1960-2023). Partie 2/2 Du postcolonialisme à la française à l’alternative russe : uneinfluence économique, médiatique et linguistiqueCliquer sur la vignette pour agrandir la carte. Conception : B.
Lambert, S. Mihoubi, P. Verluise. Réalisation : B. Lambert, ABPictoris. Télécharger en haute qualité pour impression auformat PDF
III. De nouveaux outils d’influence en Afrique francophone faceau maintien d’un système favorisant la coopération avec laFrance : les moyens d’une lutte d’influence franco-russeLa coopération économique et commerciale franco-africaine : quand laFrance, même en recul, reste un acteur de taille en Afrique
Le continent africain, représentant un marché en pleine croissance, mais abritantaussi de nombreuses ressources stratégiques, est devenu un nouveau lieu de lacompétition économique mondiale. Certains chercheurs parlent même d’un nouveau« partage de l’Afrique » (« The new scramble for Africa » [29] ), faisant ainsiréférence à la période où les puissances européennes se sont divisées le continentpour le coloniser. La France, par son histoire et donc par les liens de proximitéqu’elle a créé et entretenu sur le continent, reste un acteur économique de taille, etce, même si elle perd de l’importance. En effet, en 2019, la France est le deuxièmepays exportateur en Afrique, avec 29,4 milliards de dollars d’exportations. La Chine,devenue le premier partenaire commercial du continent, se place loin devant avec 111milliards de dollars d’exportations [30]. La Russie ne figure pas dans les cinq premiers pays exportateurs en Afrique, et saprésence commerciale semble reposer sur les exportations d’armes et sur del’exploitation de nombreuses matières premières, telles que le manganèse au Gabonou en Afrique du Sud, les diamants en Angola et en République centrafricaine, ouencore l’uranium en Tanzanie. Les échanges commerciaux franco-africains sont bienplus importants que les échanges russo-africains, et la France, en utilisant sa placede premier fournisseur européen de la zone franc, peut continuer à maintenir unecertaine influence en Afrique subsaharienne.
Comme mentionné plus haut, la France continue à exercer son influence par lacoopération monétaire qu’elle entretient via le Franc CFA, ce qui continue de nourrirpar ailleurs la vision d’une présence française « néo-coloniale ». Cependant, bien queParis soit garant de l’indexation du Franc CFA sur l’Euro, cela ne lui permet pasd’avoir toutes les parts du marché de ces zones monétaires. En effet, les trois zonesdu Franc CFA ne représentent pas forcément un « pré-carré » pour les entreprisesfrançaises. La France privilégie en effet les importations de pétrole en provenance duNigeria ou de l’Algérie, qui assurent ensemble 23% des importations françaisestotales de pétrole en 2021, soit quasiment autant que la part des importations depétrole en provenance de Russie la même année (22,7%) [31]. Il est en revanche clairque la zone franc, du fait de son indexation sur l’Euro, donc de sa stabilité, et de saproximité avec la France, reste une zone fiable qui attire les investisseurs français etles entreprises françaises d’import-export [32]. C’est donc en ce sens que l’on peut parler de la zone franc comme un outild’influence économique française en Afrique subsaharienne, contrairement audiscours prôné par la Russie sur le continent africain. Le passé colonial de la Franceen Afrique entache visiblement ses relations avec les pays du continent et soninfluence semble reculer. Le narratif de la « Françafrique » [33] est particulièrementexploité par les officiels russes en Afrique, afin d’étendre l’influence de la Russiedans un espace avec lequel elle n’a pas entretenu de liens de même nature.
Il est en cependant important de nuancer le récit russe vis-à-vis du colonialisme.Rappelons que la Russie, qui prône l’anti-impérialisme et l’anti-colonialisme, aégalement eu recours à la colonisation, à l’instar d’autres puissances européennes :
l’Asie centrale et le Caucase sont des exemples probants en ayant été colonisés parl’Empire russe au cours du XIXème siècle. Moscou subit également les effets dupost-colonialisme au sein de ces espaces, où les États n’ont acquis leur indépendancequ’à la chute de l’Union soviétique (1991). Par ailleurs, la Russie utilise encore cesvestiges coloniaux pour servir ses intérêts : la Transnistrie en Moldavie, l’Abkhazie etl’Ossétie du Sud en Géorgie, ou encore plus récemment, la Crimée et les« républiques » autoproclamées du Donbass sont le résultat de découpagesfrontaliers et de déplacements de population mis en place sous l’Union soviétiquedans le but d’éviter les mouvements indépendantistes fondés sur le nationalisme. LaRussie s’en sert encore aujourd’hui pour faire valoir son discours, comme le prouvel’invasion russe à grande échelle de l’Ukraine en février 2022 que Moscou légitimepar « la protection du monde russe et des russophones ». La guerre russe en Ukrainen’est rien d’autre qu’une guerre coloniale à visée impérialiste.
Un renforcement de la présence russe par l’utilisation du soft-powerdans la sphère informationnelle francophone en Afrique subsaharienneForte de son discours anti-colonialiste en Afrique subsaharienne, la Russie ancrecependant son influence et sa présence, notamment dans le domaine de la sécurité,par une stratégie informationnelle qui prend de plus en plus d’ampleur. La Francesemble en effet avoir négligé sa stratégie d’influence informationnelle ces dernièresannées en Afrique, laissant la place à des voix alternatives.
La diplomatie russe travaille activement à l’arsenal de son soft power en dehors duterritoire national dès 2000, avec par exemple, la mention dans son Concept depolitique étrangère de 2000 de « la nécessité de transmettre à la communautémondiale dans son ensemble des informations objectives et véridiques sur la Russieet ses positions vis-à-vis des grands enjeux internationaux » [34]. La mise à jour dece Concept en 2008 place une emphase importante sur « le renforcement de la placedes médias de masse russes dans l’espace informationnel mondial » [35] et ouvre lavoie à la création la même année de trois organes incontournables : la fondationRusskiy Mir, la chaîne de télévision Russia Today (RT), et l’agenceRossotroudnitchestvo, dont l’objectif est de promouvoir le discours russe àl’étranger. Cette utilisation de l’espace informationnel, notamment via RT mais aussiSputnik, dans le cadre du soft power russe n’est donc pas nouvelle, et la diffusiond’un discours « pro-russe » et « anti-français » par ce biais dans un espace qui n’apas de liens particuliers avec la Russie semble particulièrement adéquate.
Même si l’on ne peut réduire la montée du discours anti-français qu’à la seulestratégie russe, il est intéressant de voir que le Mali et le Burkina Faso, pays ayantdemandé le retrait des forces françaises et seuls pays ayant suspendu au moins unmédia du groupe France Médias Monde, représentent à eux deux quasiment 10% dutrafic mondial du site Sputnik Afrique [36]. Notons ici que la part de la Côte d’Ivoiredans le trafic mondial de Sputnik Afrique s’élève à elle seule à 7,5% [37]. Ajoutons icique le Mali, la Guinée et la République centre-africaine, après la fermeture de RTFrance à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine de 2022, sont devenus des
« cibles » pour la réouverture de RT en langue française [38]. Il est égalementintéressant de voir que cette chaîne russe est diffusée dans un grand nombre de paysde l’ancienne sphère d’influence française tels que la Mauritanie, le Tchad, laRépublique centrafricaine, la Côte d’Ivoire, le Congo et Djibouti.
En plus de la diffusion de RT, Moscou conclut également des accords avec desmédias des pays d’Afrique subsaharienne qui comprennent notamment l’échange decontenus et la formation dans les pays concernés de journalistes. L’influence russepasse également par les réseaux sociaux : la maison-mère de Facebook, Meta, a eneffet mis fin à plusieurs campagnes d’influence ciblant l’Afrique sur sa plateforme.Visant à promouvoir le discours russe et le sentiment anti-français en misantnotamment sur la désinformation, l’utilisation de l’espace informationnel par laRussie a également pour but de légitimer la présence russe en manipulant l’opinionpublique dans les pays concernés. La diffusion de petits dessins animés [39] dans lesÉtats hébergeant le groupe Wagner, qui diabolisent la France et blanchissent laRussie et ses mercenaires, est un exemple probant d’une stratégie informationnellebasée sur la manipulation de l’opinion et la diffusion de fausses informations.
Conclusion
Ainsi, la lutte d’influence entre la Russie et la France n’est pas nouvelle, mais elles’accentue incontestablement ces dernières années. Le départ des forces françaisesde la République centrafricaine, du Mali et du Burkina Faso, où la Russie renforce saprésence, ne semble pas favorable à l’influence de Paris dans le domaine sécuritairedes pays subsahariens, où le discours anti-français gagne du terrain. La Russie used’un passé soviétique et d’une stratégie informationnelle qui la présentent sur lecontinent africain comme un partenaire fiable, qui se démarque de la France par sondiscours anticolonialiste.
Cependant, la perte d’influence de la France en Afrique n’est pas le seul fait de laprésence russe. Elle est avant tout le résultat d’une reconfiguration géopolitique danslaquelle des États de plus en plus puissants, tels que la Russie ou la Chine, usent demoyens politiques, économiques et informationnels afin de concurrencer lespuissances dites traditionnelles, comme la France, sur le continent africain. Dans lemême temps, les partenaires africains de la France voient en ces nouveauxpartenaires un moyen de se détacher symboliquement de l’ancienne puissancecoloniale, tout en assurant de nouvelles perspectives économiques. Néanmoins, ledéveloppement de l’influence économique de la Russie et de la Chine en Afrique n’apas que des aspects favorables pour ces pays qui voient leurs dettes augmenterconsidérablement, notamment vis-à-vis des banques chinoises.
Enfin, même si les sociétés militaires privées russes semblent fleurir en Afrique, ilsera nécessaire, à terme, d’établir un bilan de leur présence. Celle-ci n’a pasforcément été décisive en Libye, où le groupe Wagner a été largement déployé, et ilen va de même avec le Mozambique, où il s’est retiré après avoir reculé face auxcombattants djihadistes. Ainsi, avec l’utilisation massive des SMP, et plusparticulièrement du groupe Wagner, par la Russie dans son offensive en Ukraine, il
conviendra d’établir un bilan de leur déploiement au Mali, où les attaques djihadistesne cessent de se multiplier.
Copyright pour le texte Février 2023-Lambert/Diploweb.comPlus : les deux cartes au format PDF pour impression haute qualité etaffichage dans des lieux stratégiques
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. Télécharger en haute qualité pour impression Carte. La Russie en Afriquefrancophone depuis les indépendances : les moyens d’une lutte d’influence francorusse (1960-2023). Partie 2/2 Du post-colonialisme à la française à l’alternativerusse : une influence économique, médiatique et linguistique au format PDF*Conception des cartes Blanche Lambert, Selma Mihoubi et Pierre Verluise.Réalisation des cartes Blanche Lambert d’AB Pictoris. Rédaction du commentaire :Blanche Lambert.
AB Pictoris est une jeune entreprise française fondée par Blanche Lambert,cartographe indépendante. Passionnée de cartographie et de géopolitique, elle aobtenu un Master en Géopolitique (parcours cyber, IFG, Paris VIII) et enGéostratégie (Sciences Po Aix) après une licence de Géographie et Aménagement duTerritoire (Paris I).
Selma Mihoubi, s’exprime ici à titre personnel. Docteure en Géographie, politique,culturelle et historique de l’Institut de Géographie (Sorbonne Université Paris IV),Selma Mihoubi est spécialiste des questions de Géopolitique des médias. Elle anotamment publié des travaux de recherche sur l’influence des médias chinois enAfrique francophone.
Pierre Verluise, Docteur en géopolitique de l’Université de Paris IV – Sorbonne.Fondateur du premier site géopolitique francophone, Diploweb.com, auteur, coauteur ou directeur d’une trentaine d’ouvrages, producteur de trois Masterclassgéopolitiques.
[1] Il s’agit en effet de la première visite d’un ministre russe des Affaires étrangèresau Mali.
[2] Conférence de presse des ministres russe et malien des affaires étrangères,Bamako, 7 février 2023. Disponible en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=qtadDRr4Zls&ab_channel=ORTM[3] La deuxième édition du Sommet Russie-Afrique a lieu à Saint-Pétersbourg enjuillet 2023.
[4] La République centrafricaine possédait des accords de défense en plus d’un
accord d’assistance militaire technique avec la France.
[5] La France a en effet colonisé l’espace sahélien (actuels Mali, Burkina Faso, Niger,Mauritanie et Tchad) entre 1890 et 1960 ; après les indépendances, Paris a signé denombreux accords avec les pays de la région et en est resté très proche.
[6] Annexion de la Crimée par la Russie, non reconnue par l’ONU.
[7] La Russie et la Libye de Kadhafi avaient établi de très bonnes relations ; l’entréeen guerre de la France contre le régime libyen n’a jamais été véritablement digérépar Moscou.
[8] Terme utilisé à cette époque pour parler des territoires colonisés par la France.[9] Il existe trois zones Franc : la zone de l’Union économique et monétaire ouestafricaine (qui devrait être renommée Eco et devenir la monnaie unique de laCEDEAO), la zone de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale(CEMAC) et le Franc des Comores. Certains États issus de la colonisation d’autrespuissances européennes, telle que la Guinée équatoriale et la Guinée Bissau sontentrées dans la zone Franc sur leur demande.
[10] Le Mali entre à nouveau dans la zone Franc en 1984.
[11] Les éléments français du Sénégal ont remplacé les forces françaises du Cap Vert,qui étaient également déployées à Dakar.
[12] Un tableau recensant l’évolution des accords de défense et les AMT francoafricains est à retrouver dans C. Evrard, « Retour sur la construction des relationsmilitaires franco-africaines », Relations internationales, n°165, pp.23-42, disponibleen ligne : https://hal.science/hal-01475443/document
[13] A. Arkhangelskaya, « Le retour de Moscou en Afrique subsaharienne ? Entrehéritage soviétique, multilatéralisme et activisme politique », Afriquecontemporaine, 2013/4 (n°248), pp.61-74, disponible en ligne :https://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2013-4-page-61.htm[14] Idem.
[15] Le nom de l’université a été donné en l’honneur de Patrice Lumumba, considérécomme un héros de la décolonisation du Congo belge ; en 1992, l’université estrenommée « université russe de l’Amitié des peuples ».
[16] Annonce de la représentante du Ministère russe des Affaires étrangères,M. Zakharova, le 5 février 2023 : https://www.mid.ru/ru/foreign_policy/news/1852408/
[17] Chiffres du SIPRI.
[18] Idem.
[19] Données SIPRI sur la période 2000-2021.
[20] Les manifestations demandant le retrait des forces françaises, et centrée de
manière plus générale autour d’un sentiment anti-français, se sont intensifiées cesdernières années : au Mali, de telles manifestations ont eu lieu en 2014, 2017, 2019,2020, 2021 et 2022 ; au Burkina Faso, en 2021 et 2022 ; au Niger, en 2015, 2021 et2022 ; au Tchad, en 2021 et 2022 ; au Sénégal en 2021.
[21] L’annonce de l’arrêt de Barkhane a eu lieu en juin 2021, une semaine aprèsl’annonce par le Mali de l’arrêt des opérations militaires conjointes.
[22] A. Arkhangelskaya, « Le retour de Moscou en Afrique subsaharienne ? Entrehéritage soviétique, multilatéralisme et activisme politique », Afriquecontemporaine, 2013/4 (n°248), pp.61-74, disponible en ligne :https://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2013-4-page-61.htm[23] L’entrée dans un monde aux logiques multipolaires est vue par Moscou commeun moyen de retrouver sa place sur la scène internationale.
[24] À l’exception du Congo et du Mozambique où elle est la deuxième sourced’exportation.
[25] Chiffres du SIPRI.
[26] Le premier avait été signé en 1998.
[27] P. Tchoubar, « La nouvelle stratégie russe en Afrique subsaharienne : nouveauxmoyens et nouveaux acteurs », note n°21/19, FRS, octobre 2019.
[28] M. Pinel, « Les sociétés militaires privées russes en Afrique : vers un nouveaumodèle d’intervention ? », Revue Défense Nationale, février 2022, pp.99-104.
[29] P. Carmody, The New Scramble for Africa, Cambridge, Polity Press (2e éd.),2016.
[30] J-M. Bos, « L’économie française continue de reculer en Afrique », DW, 2021.[31] INSEE, 2021.
[32] L. Viallet, « « Non, les entreprises françaises n’ont pas de pré carré économiqueen Afrique », Les Echos, 23 février 2021, disponible en ligne :https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-non-les-entreprisesfrancaises-nont-pas-de-pre-carre-economique-en-afrique-1292683[33] Le terme de « Françafrique », qui aurait été employé pour la première fois en1955 par Félix Houphouët-Boigny, désigne au départ la volonté de certainsdirigeants africains de garder une forte proximité avec la France. Ce terme devienttrès connoté dès la fin du XXème siècle avec la parution en 1998 de l’ouvrage de F-X.Verschave La Françafrique, le plus long scandale de la République. Il est alorsutilisé pour désigner l’opacité des relations entre Paris et ses anciennes colonies dansle but de prêter à la France une attitude néocolonialiste.
[34] Concept de politique étrangère de la Fédération de Russie, juin 2000, disponibleen ligne : https://docs.cntd.ru/document/901764263
[35] Concept de politique étrangère de la Fédération de Russie, juillet 2008,
disponible en ligne : https://normativ.kontur.ru/document?moduleId=1&documentId=131926
[36] Données issues de similarweb.com, février 2023
[37] Idem. Même si cela peut paraître peu, la France représente 30% du traficmondial de Sputnik Afrique, les pays mentionnés apparaissent ensuite dans le top 10des pays à la part du trafic la plus élevée. La part du trafic ne dit pas forcément queles internautes la lisent et la préfèrent à d’autres médias locaux, mais il sembleintéressant de prendre cette donnée en compte, et surtout de voir que ce sont despays issus de l’ancienne sphère d’influence française qui apparaissent dans ceclassement.
[38] Agence Ecofin, « La chaîne russe RT choisit l’Afrique du Sud pour s’établir enAfrique francophone », juillet 2022.
[39] Ces dessins animés ont commencé à apparaitre en 2018 en Centrafrique, avec ladiffusion de « L’Ours et le Lion », et d’autres vidéos ont été diffusées dernièrementdont le but était de discréditer la présence française et d’appuyer sur le discoursanticolonialiste en Afrique.
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Citation / Quotation
Auteur / Author : AB PICTORIS, Pierre VERLUISE, Selma MIHOUBI
Date de publication / Date of publication : 18 février 2023
Titre de l’article / Article title : La Russie en Afrique francophone depuis lesindépendances : quels moyens pour une lutte d’influence franco-russe (1960-2023) ?Chapeau / Header :
La lutte d’influence entre la Russie et la France n’est pas nouvelle, mais elles’accentue incontestablement ces dernières années. Les deux cartes quiaccompagnent cette étude le démontrent dans le temps et dans l’espace.
Le départ des forces françaises de la République centrafricaine, du Mali et duBurkina Faso, où la Russie renforce sa présence, ne semble pas favorable àl’influence de Paris dans le domaine sécuritaire des pays subsahariens, où le discoursanti-français gagne du terrain. La Russie use d’un passé soviétique et d’une stratégieinformationnelle qui la présentent sur le continent africain comme un partenairefiable, qui se démarque de la France par son discours anticolonialiste. Paradoxe, laRussie se pense encore comme un empire et a relancé en 2022 une guerre colonialeet impérialiste en Ukraine. Il n’en demeure pas moins que la Russie marque despoints en Afrique.
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