Hommage à Paul Vieille – Tables rondes
    Colloque international Méditerranée/Mondialisation – Hommage à Paul Vieille – Peuples méditerranéens.

    Préface au Corps Epique de Astrid Gateau

    Par Evelyne Accad

    Astrid, entrée dans ma vie un matin d’automne à Beyrouth

    Il est des rencontres qui portent au-dessus du temps

    Qui vous font traverser les rivières, découvrir les villes

    Astrid fut cette rencontre

    Voix au bout du fil, organisatrices de An-Nahar pour la Foire du Livre.

    J’y présentais mon livre “Voyages en Cancer”

    –Accepteriez-vous un témoignage, des poèmes?

    Une femme de Lyon poète qui signe son livre

    L’Eleveur de Pigeons?

    –Bien sûr, notre lutte est un tissage d’expériences communes

    Un travail collectif

    Quelle proposition enrichissante !

    Nous nous rencontrons dans Hamra

    La rue rouge qui a souffert comme tant de routes

    De Beyrouth en guerre

    On se reconnaît à nos cheveux

    La chimiothérapie les rend frisés, cotonneux

    On se reconnaît aussi dans l’intensité du regard

    La saisie frénétique du moment de tous les moments

    Car ils sont comptés

    On parle on parle comme si on voulait réunir tous les mots de la terre et leur trouver des liens

    A la présentation, la lecture de ses poèmes est émouvante

    La salle retient son souffle

    Sa parole met en relief les questions

    Et les blessures

    Paroles qu’on retrouve dans Le Corps Epique

    Livre que j’ai le bonheur de préfacer aujourd’hui

    Receuil de poèmes élaborés, grandis dans la maladie

    La découverte du corps malade et d’un pays malade

    Mots tissés dans la souffrance d’un corps mutilé

    Comme des plantes qu’on a voulu écraser

    Et qui relèvent la tête dans l’humus des larmes

    Au-delà du corps meurtri, beauté d’une femme :

    “ Bien sûr le corps est défait

    Mais là-bas

    Loin

    Très loin

    Au cœur même de l’enveloppe

    Il y a toujours

    La jeune fille

    Sereine et têtue

    Et sous le front fiévreux et chauve

    Cette belle chevelure

    Qui l’encadre et la protège

    Des avatars du temps

    Et tout autour de l’âme urgente

    Ce halo persistant ”

    Et la révolte face au gaspillage

    Face à la violence de l’homme

    Cris de colère devant son arrogance :

    “ Car je vous parle de femmes

    Déracinées

    De saisons

    Inversées

    De sève déconcertée

    D’errance

    Je vous parle

    D’une nation de femmes apatrides ”

    Mots aussi porteurs d’espoir

    Racontant un message universel et lyrique

    Dis dans la joie de vivre :

    “ Et la terre est ce champ labouré par les larmes

    Et la terre est cet oiseau qui rêve d’un ciel plus grand

    Et la terre est ce jardinier qui rêve d’horizons plus vastes

    Plus universels ”

    Et ces phrases ciselées dans la lutte et l’espoir

    Pour ses amis à qui elle donne la tâche ultime

    De reprendre le flambeau

    De l’allumer ailleurs pour que la flamme ne s’éteigne jamais :

    “ Nous nous battrons

    Nous écrirons chaque matin

    Pour survivre

    Le lumineux territoire

    De nos émois

    Demeurant

    Le seul pays qui soit ”