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Vassalisation de la Tunisie par l’Algérie
La Tunisie sera-t-elle la prochaine wilaya algérienne ?
Mekkaoui Abderrahmane – Chekib Abdessalam
La Tunisie sera-t-elle la prochaine wilaya algérienne ?
La fuite d’Algérie de l’opposante pacifique Amira Bouraoui, par la Tunisie, a révélé au grand jour la soumission de ce petit État à son grand voisin algérien particulièrement depuis le dernier putsch constitutionnel et le tournant répressif du président Kaïs Saïed.
Cette dépendance ne date pas d’hier mais du règne de Habib Bourguiba. Premier président de la Tunisie, il avait été menacé à plusieurs reprises par le MALG du FLN (Ministère algérien de l’armement et des liaisons générales) basé à Tunis qui pourtant lui offrait hospitalité et solidarité, vertus cardinales que le système politico-militaire algérien naissant foule déjà au pied. Cette hégémonie s’est manifestée à plusieurs reprises par une ingérence algérienne dans les affaires intérieures de la Tunisie de Habib Bourguiba, de Zine el-Abidine Ben Ali et de Béji Caïd Essebsi. Le président Bourguiba se méfiait des dirigeants algériens autant que des dirigeants libyens. Son seul allié dans le Maghreb était le Maroc de Hassan II et la France. Pourtant la France et le FLN auront découpé une grande partie de la Tunisie actuelle au profit des futures wilayates algériennes de Tarf, d’Eloued, de Tebessa, et même de Constantine.
L’Algérie ne versait que 6 % de royalties au titre de l’acheminement du pétrole par pipeline qui traverse la Tunisie et le mène vers l’Italie. Boumedienne disait à Bourguiba que tout acte unilatéral ou décision de la Tunisie doit être validé par Alger « et on ne doit pas prendre le train en marche ». Ce dernier est intervenu y compris dans les achats de l’armement pour l’armée tunisienne, dans les différents programmes de formation et dans le choix des fournisseurs ou des partenariats économiques. L’Algérie n’a jamais permis à la Tunisie d’avoir une armée forte dans les trois corps terrestre, maritime et aérien. En revanche, le ministère de l’intérieur tunisien dont le nombre d’agents dépasse 300 000, est noyauté et phagocyté par le DRS algérien qui n’a jamais lésiné sur la pratique de l’octroi de « dons » substantiels.
La chute du général Zine el-Abidine Ben Ali qui s’appuyait sur le ministère de l’Intérieur et son service de renseignement qu’il a longtemps dirigé, fut dépassé par la majorité de la population encadrée « en route » par les islamistes opportunistes d’al-Nahda, par la centrale syndicale, par les partis laïques de gauche et par les hommes d’affaires mécontents du népotisme et du joug exercé par l’entourage familial du président. Ce changement en Tunisie, pris dans le contexte des printemps arabes et de l’immolation de Mohamed Bouazizi de Sidi Bouzid, avait déstabilisé les dirigeants algériens qui prirent peur d’une contagion déjà galopante en Algérie qui a connu elle aussi des dizaines d’immolations et de nombreuses manifestations tout azimut. À cet effet, ces derniers ont envoyé des centaines d’agents pour noyauter les partis politiques, infiltrer l’armée et le ministère de l’intérieur à l’aide de quantité de bakchichs distribués aux uns et aux autres. Le désordre qu’à connu la Tunisie, de 2011 à nos jours, semble être lui aussi, l’œuvre du renseignement algérien véritable élément déstabilisateur de la zone du Maghreb et du Sahel.
Cette subversion aboutira au désordre semé au sein des principales institutions tunisiennes et produira, in situ, un terrorisme à l’algérienne. Selon des repentis tunisiens, interrogés à la télévision tunisienne, plusieurs volontaires au djihad en Tunisie ont été recrutés par des officiers tunisiens à la solde d’Alger puis envoyés en Syrie pour « égorgement immédiat » par le régime de Bacher Al Assad et ses « chebiha ». Selon ces mêmes repentis tunisiens, les éléments de l’AQMI (Alqaida maghreb islamique) implantés dans le mont Chaambi, sont en majorité des Algériens qui éxécutaient les ordres de leur géniteur le général Abdelqader Aït Ourabi alias Hassan, chef du service action contre le terrorisme, le SCORAT (Service de coordination opérationnel et de renseignement antiterroriste), qui les finançait et les organisait. Ce même général a créé la branche tunisienne de l’Aqmi dans le mont Chaambi appelée groupe Oqba Ibnou Nafaa. C’est ce même service action Scorat qui sera impliqué dans le massacre de Tiguentourine. Le terrorisme tunisien apparaît ainsi n’être qu’un appendice du savoir faire du DRS acquit et mise en œuvre durant la décennie noire. Ce monstre sera devenu si dangereux pour l’Occident qu’à partir de 2013, la France, les USA, mais aussi l’Allemagne, le Japon et les pays ayant des ressortissants assassinés lors de l’opération d’attaque et de prise d’otages de l’usine de gaz, montée de toute pièce par les services algériens, vont exiger de Bouteflika de désarticuler voire de démanteler le dit SCORAT. Son chef sera finalement incarcéré à la prison militaire de Blida et condamné à cinq de prison pour « création de groupes armés illégaux ». Mais le retour de ce terrorisme et de ses commanditaires dans l’espace sahélo-magrébin semble occulté par les occidentaux pour une question purement énergétique. Sous un nouveau visage avec un nouveau pseudonyme se cachent pourtant mal la doctrine, le discours et les méthodes du général Djebbar Mehenna qui a pris la relève, ainsi que d’autres disciples du général Mohamed Medienne (“le Dieu d’Alger”), ancien directeur du renseignement algérien pendant un quart de siècle.
Cette omnipotence politique et économique de l’Algérie sur la Tunisie ne durera peut-être pas éternellement pour plusieurs raisons.
1- L’Algérie dépourvue, au regard de l’histoire avec un grand H, de piliers identitaires et de superstructures que ne possède pas un État-nation artificiellement créée par la puissance coloniale, qui auraient pu autoriser une justification éventuelle légitimant une domination sur les autres (?).
2- Les frontières de cet État factice sont minées ou propices à de nombreux contentieux qui en génèrent une kyrielle d’invectives, d’injures, de déclenchement de guerres potentielles, un stock inépuisable de bombes à retardement, des arguments et des prétentions objectives que les peuples de la région ne manquent pas de soulever en revendiquant désormais une nouvelle redistribution spatiale selon une cartographie qui cette fois impliquerait une plus juste répartition spatiale, terrestre, historique et culturelle entre les différents groupes humains concernés.
3- La Tunisie dispose d’une société avertie, éduquée et politisée qui a déjà connu un embryon d’État ancestral notamment lors de la dynastie des Hafsides (Banou Hafs) et des Fatimides (respectivement originaires du Haut Atlas et de Sijelmassa).
4- L’Algérie est en réalité dépourvue de puissance militaire effective hormis celle qui procède de la subversion, de la manipulation, du mensonge, de la falsification de l’histoire, de la désinformation et de la démagogie. Les études montrant une quelconque puissance de l’ANP sont erronées ou prépayées. Il ne s’agit que d’une hégémonie idéologique car la puissance ne se résume pas à l’acquisition et à l’amoncellement de ferrailles, à pomper beaucoup de gaz, de pétrole et autre hydrocarbure au gré des accidents industriels de champs ou de pipeline en feu au détriment de l’écosystème. Une puissance réelle devrait avant tout reposer sur une autorité politique légitime ce qui n’a jamais été le cas de l’Algérie.
Le système créé par le général de Gaulle comme élément de subversion afin de protéger les intérêts géostratégiques de la France en Afrique du Nord a naturellement atteint ses limites et sa portée, de manière objective, après trois quart de siècle et plusieurs guerres civiles : guerre FLN-MNA de 1957 à 1962 (une guerre dans la guerre), guerre de l’armée des frontières en septembre 1962, guerre de kabylie en 1963, guerre des sables aux frontières en 1963, insurrection d’octobre 1988, printemps berbères en 1980 et en 2001, décennie noire des années 90, printemps arabe avorté (2010-2012) et Hirak plus récemment (2019-2021), le tout pimenté par de nombreux coups d’États militaires et luttes de clans assumés ou déguisés. Tant et si bien, que l’effondrement de cette pseudo puissance hégémonique du système politico-militaire algérien à moyen terme voire à court terme est prévisible, voire inéluctable. L’héritage colonial au Maghreb devrait être repensé sur des fondements clairs et réfléchis qui permettraient, en outre, un retour honorable et apaisé de la France dans cet espace géostratégique ainsi que d’autres partenaires ou investisseurs sans devoir compter ou négocier avec des doctrinaires versatiles, adeptes du chaos et de la confusion.
La crise diplomatique suscitée par l’affaire Amira Bouraoui et l’humiliation des Tunisiens aux frontières, le limogeage du ministre des Affaires étrangères et de responsables de la sécurité tunisiens sont autant de preuves de la main mise de l’oligarchie militaire algérienne sur le système politique fragile tunisien. L’arrogance d’Alger a réveillé les Tunisiens qui ont ouvert les yeux et pris conscience de la menace sérieuse d’un voisin dont le président Abdelmadjid Tebboun s’est permis de déclarer lors de sa récente visite en Italie que la Tunisie, selon ses propres mots : « c’est rien ».
Comment avoir confiance en un système capricieux qui a menti à maintes reprises et aura cru manipuler jusqu’à son allié russe à la même enseigne que tout autre partenaire.
Enfin, pour avoir une idée précise quant aux velléités de puissance hégémonique de l’Algérie pas seulement sur la Tunisie, mais aussi sur la Libye, les pays du Sahel et le Maroc, l’ouvrage d’Alain Peyrefitte « C’était de Gaulle », en plusieurs volumes, nous renseigne sur le devenir du concept Algérie, sur l’ambition d’un caméléon ou d’un ogre qui, au mieux, se révèle n’être qu’un tigre en papier.