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Imouhar, Kel Tamachek en danger
Chekib Abdessalam
Les grands axes caravaniers millénaires et les pâturages en voie de disparition ou d’occupation sont, depuis un demi siècle, le terrain favori des racketteurs et des tueurs en uniforme d’Alger, de Bamako et autres. À tel point qu’ils portent le nom de Kel Tikemoussen. Les voleurs de biens et d’effets personnels dans les campements nomades et dans les brigades en zone urbaine. Quelque soit le lieu, la région ou l’État dans lequel on se trouve, les Touaregs sont l’objet de ségrégation, d’oppression, d’occupation et de pillage.
Pseudo-terrorisme manipulé par Alger
Comme au bon vieux temps de la « décennie noire » dans le Tell, depuis plus de trente ans Alger téléguide ses hommes de mains à la fois contrebandiers, trafiquants et « islamistes » de théatre, à l’image des Mokhtar Marlboro, Mokhtar Belmokhtar, maintes fois ressuscité, et tant d’autres transfuges de l’Anp-Drs, armée et services de renseignements algériens qui se dissimulent sous divers sigles changeant tels que El Qaida Maghreb Islamique, EIGS, État islamique dans le Grand Sahara, et autres électrons d’une nébuleuse qui fait écran. Leur action néfaste et criminelle se concrétise par la corruption de quelques brebis galeuses contaminées, des assassinats et des incarcérations multiples de jeunes touaregs, des assassinats de chefs traditionnels, des populations terrorisées. Les zones de frontières sont allègrement transformées en zones de guerre où la mobilité est réduite. Désormais, au Sahara central, la révolte gronde. Sans cesse, des mises en scène montrent des Touaregs en terroristes avec posé sur une table devant eux des armes et des munitions le temps d’une photo ou d’une vidéo. Largement diffusées. À tel point que certains pourraient être tentés d’accuser tous les Touaregs d’être des terroristes. Les pratiques de l’amalgame sont classiques. Le terrorisme de la DRS et de l’ANP algériens ont infecté le Sahel afin de contrer de manière implacable, sournoise et barbare, toute possibilité de révolte, d’émancipation et d’autodétermination touarègue. À grand renfort de carburant et autre logistique, c’est bien pour cela que le faux « terrorisme » dans la zone sahélo-saharienne perdure indéfiniment. Ces manigances et exactions du système politico-militaire d’Alger doivent cesser. Alger est secondée dans ses basses œuvres par les régimes putschistes et corrompus de l’ensemble de la zone.
Les populations demandent clairement leurs droits humains, la justice et l’indépendance. Celle de l’Azaouad étant déjà actée, il y a dix ans, le vendredi 6 avril 2012. Azaouad signifie en tamachek terre de pâturage. « Tous nos pâturages sont et seront libres de mémoire d’homme : ce sont nos terres et la terre de nos enfants, de nos ancêtres, celle que nous aimons et que nous respectons ».
Assassinats
Soixante-dix ans de guerre ça suffit, sabiine sna barakate, igdah tidalmine foul imouhar ! Août 2018, l’Anp tue un jeune Touareg à Tin Alkoum, puis trois manifestants à Janet. La prison de Tamanrasset ne désempli pas de jeunes Tamacheks pris à leurs familles en otages entre quatre murs ! Y compris des fils d’Aménokal ou d’Imgharen depuis les années 80 aprés la construction d’une prison appelée bettiya : un cylindre de métal posé sur une dalle de béton. La première prison construite au pays des Imouhar depuis plusieurs millénaires. Plus tôt encore, à la fin des années 70, le fils du dernier grand aménokal de l’Ahaggar, celui d’awatay ouan adrilal, dira dans une réunion officielle : « un colonialisme est parti, un autre est venu ». Il était pourtant loin de se douter que celui-ci sera bien plus féroce et maléfique. Il sera accusé d’être fou : un malade mental. Il partira vivre au Tamesna. Aujourd’hui la prison est 10 fois plus grande. Cela permet d’incarcérer, sans procès ou après un simulacre, des centaines de jeunes Touaregs sans défense et sans droit qui déclarent à leur sortie « maintenant je n’ai plus peur d’eux ».
Les Famas et le régime décadent de Bamako ne sont pas en reste. Désormais épaulés par la milice russe Wagner, ils terrorisent l’ensemble du Macina et de l’Azaouad mais aussi du Mali au Sud et à l’Ouest où vivent des populations dans un dénuement et un sous-développement avancé.
Les deux pays rivalisent en matière d’hémorragie humaine, de clandestins livrés au passeurs et à la mer. Ainsi Montreuil est la deuxième grande ville malienne au monde et Paris et sa région la deuxième ville algérienne. La grande majorité de ces diaspora étant livrées à l’exil forcé dans la pauvreté et soumis aux tracasseries administratives du pays d’accueil. Le Mali et l’Algérie, se prétendant révolutionnaires et paradis terrestres, à cor et à cri, seraient bien inspirés d’assurer leur bien-être et d’accueillir à nouveau chez eux ces millions d’êtres humains forcés de quitter leur terre natale pour gonfler les rangs des sous-prolétariats ou de la clochardisation d’un autre continent, arrachés à leurs familles contre leur gré pour des raisons essentiellement économiques et de rejet des dictatures rampantes et féroces incompatibles avec la dignité humaine.
N’oublions pas Ayoub Ag Aji, 17 ans, jeune touareg abattu à bout portant par les commandos gardes-frontière de l’armée algérienne, seul devant son domicile à Tin Zaouaten le 15 juin 2021. Allah y rahmou, paix à son âme. Après son assassinat, les militaires tirent aussi à bout portant sur son père qui tombe à terre sans être touché.
Trahison, Taghdert
Autrefois Alger a accepté que dix-sept bombes atomiques soient expérimentées sur la terre et dans le ciel des Imouhar en échange des frontières actuelles. Depuis soixante ans, Alger pompe et vole le pétrole et les richesses du grand Sahara en échange de l’injustice, du mépris et de l’oppression des Imouhars. Désormais, cela ne peut être l’objet de tractations : finis les Accords d’Évian, fini les accords félons d’Alger ou de Tamanrasset ou de Tahabort, supervisés par des colonels de la Sécurité militaire d’Alger en civil ou en uniforme, assez de la perfidie des agents doubles ou triples, fini les rébellions touarègues phagocytées, fini la corruption, fini la dictature, go home ! Fini les tromperies tous les dix ans. Quand bien même devrions-nous nous retrancher à quelques jours de Taliouine dans la montagne inaccessible des Ilamtane bien pourvue en eau douce et en pâturages, non loin de Tadmakka.
En ce sens, Bamako n’a pas à rougir non plus : les potentats militaires et du pouvoir ont toujours bénéficié des miettes que leur accordent leurs parrains en ce qui concerne l’exploitation de l’or, du lithium etc, et de divers trafics transfrontaliers entre l’Amérique latine, l’Afrique de l’Ouest et l’Algérie.