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Beaux livres : les huit coups de cœur du « Monde Afrique » en 2022
Des ouvrages consacrés à des musiciens légendaires, à l’art contemporain ou des textiles, à l’histoire antique, à la photographie ou à la créativité dakaroise, ont retenu l’attention de la rédaction.
Par Fabien Mollon, Olivier Herviaux, Coumba Kane et Laurence Caramel
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« Fela Anikulapo Kuti, rébellion afrobeat »
Fan de Fela Kuti, vous ne pouvez pas vous rendre à l’exposition que lui consacre la Philharmonie de Paris jusqu’au 11 juin 2023 ? Le catalogue de l’événement est fait pour vous. Dans ce beau livre paru en octobre et coordonné par Alexandre Girard-Muscagorry, Mabinuori Kayode Idowu et Mathilde Thibault-Starzyk, est concentré tout l’univers de l’inventeur de l’afrobeat, de son héritage familial – avec notamment sa mère, Funmilayo Ransome Kuti, célèbre militante féministe – à son engagement politique face aux militaires qui se sont succédé à la tête du Nigeria.
Pour éclairer les différentes facettes du « Black President », les commissaires de l’exposition ont fait appel à plusieurs contributeurs, dont François Bensignor, auteur d’un livre de référence (Fela Kuti, le rebelle de l’afrobeat, 2012), mais aussi des journalistes, artistes et chercheurs. L’ouvrage, richement illustré et au graphisme soigné, présente de nombreuses pochettes de vinyles, des photos signées Bernard Matussière, Jean-Jacques Mandel ou Femi Bankole Osunia, des encarts publicitaires que Fela faisait paraître dans la presse nigériane, ou encore le journal de son mouvement de jeunesse et le programme de son parti, le MOP, qu’un Thomas Sankara n’aurait pas renié. Fabien Mollon
Fela Anikulapo Kuti, rébellion afrobeat, sous la direction d’Alexandre Girard-Muscagorry, Mabinuori Kayode Idowu et Mathilde Thibault-Starzyk, éd. Textuel et Philharmonie de Paris, 208 pages, 49 euros.
« Textiles africains »
Une somme : un peu plus de 4 kg, 450 pages grand format (25,5 cm x 34 cm), 400 photos couleur, plus de 200 notices explicatives… Le très beau livre Textiles africains, édité par la maison Citadelles & Mazenod, met en lumière l’art trop méconnu du tissage sur le continent. Coton, laine, soie, raphia, chanvre, écorce, peau : les matériaux se succèdent au fil des pages en une myriade de techniques et de couleurs. Tentures nuptiales ou d’apparat, vêtements du quotidien (boubous, pagnes, jupes, tuniques, châles…) ou encore tenues talismaniques, le répertoire est riche.
« Le textile et l’esthétique vestimentaire sont sans doute l’une des formes les plus significatives et les plus ancestrales de l’art africain, rappelle dans son introduction Duncan Clarke, chercheur indépendant et marchand de textiles. Si l’attrait souverain de la sculpture africaine est indéniable, il a trop tendance à éclipser la place du tissu dans les grandes réalisations des hommes et des femmes de ce vaste continent », ajoute le spécialiste, diplômé de la School of Oriental and African Studies de l’université de Londres.
L’ouvrage, souligne Duncan Clarke, a le mérite de réunir « dans un seul volume un ensemble de pièces parmi les plus belles et les plus représentatives que conservent les musées et les collections privées du monde entier ». Une somptueuse manière de « célébrer les artistes du passé tout en servant de référence à ceux du présent et de l’avenir, qu’ils travaillent en Afrique ou ailleurs ». Olivier Herviaux
Textiles africains, de Duncan Clarke, Vanessa Drake Moraga et Sarah Fee, éd. Citadelles & Mazenod, 450 pages, 165 euros.
« Afriques Musiques, une histoire des rythmes africains »
Ce sont des noms qui résonnent comme autant de légendes dans le patrimoine musical africain. L’OK Jazz à Kinshasa, les Bantous de la capitale à Brazzaville, le Bembeya Jazz à Conakry, le Rail Band à Bamako, l’Orchestra Baobab à Dakar, le Tout-Puissant Poly-Rythmo à Cotonou… Ces formations – et bien d’autres – nées dans les années 1960 et 1970 ont forgé la bande-son de « l’âge d’or » de la musique africaine, une époque sur laquelle l’écrivain, producteur et photographe Florent Mazzoleni revient en détail dans Afriques Musiques, une histoire des rythmes africains, paru en octobre.
L’auteur prend soin de situer l’émergence des styles emblématiques de l’Afrique subsaharienne – rumba congolaise, highlife, afrobeat, éthiojazz… – dans leur héritage culturel, avec notamment la prégnance de l’influence cubaine ou de la tradition mandingue, et dans leur contexte politique, avec par exemple le rôle joué par Sékou Touré dans le rayonnement des musiciens guinéens mais aussi de la Sud-Africaine Miriam Makeba. Des genres plus récents comme le mbalax au Sénégal ne sont pas oubliés et le livre est illustré de nombreuses pochettes d’albums et de photos en noir et blanc signées notamment du Burkinabé Sanlé Sory. F. M.
Afriques Musiques, une histoire des rythmes africains, de Florent Mazzoleni, éd. Hors Collection, 248 pages, 32 euros.
« Black Infinity. L’Art du fantastique noir »
Réunissant près de 300 œuvres d’art, l’ouvrage Black Infinity invite à découvrir l’univers du fantastique noir. Mouvement initié depuis plusieurs décennies par des artistes issus d’Afrique ou des diasporas du continent, il est porteur de nouvelles visions et de récits inédits qui s’affranchissent des représentations occidentales de la modernité.
Ekow Eshun, auteur notamment de Africa XXIe siècle. Photographie contemporaine africaine (éd. Textuel, 2020), commissaire d’expositions et journaliste, évoque ici des formes artistiques aussi variées que la photographie, les arts plastiques, le design, la mode, l’architecture, le cinéma, la littérature et la culture populaire. Ces connexions révèlent l’esprit de liberté qui anime les 120 artistes présents et leur énergie émancipatrice pour repenser les notions de genre ou d’identité. Ils expriment ainsi les fantasmes d’un avenir libéré des oppressions en hybridant histoire, mythe, pratiques spirituelles et mémoire de l’esclavage.
« L’ouvrage met en lumière un pan essentiel et pourtant souvent méconnu du champ de l’art contemporain : l’œuvre d’artistes noirs, issus d’Afrique ou de la diaspora africaine, qui s’emparent des motifs et des genres du fantastique pour aborder la question du racisme et de l’injustice sociale, mais aussi pour imaginer des scénarios alternatifs et esquisser de nouveaux modèles de société », précise dans son avant-propos Ralph Rugoff, directeur de la Hayward Gallery de Londres. O. H.
Black Infinity. L’Art du fantastique noir, d’Ekow Eshun, éd. Textuel, 304 pages, 49 euros.
« Dakar, nid d’artistes »
Dakar n’est pas uniquement la capitale africaine où les prix flambent plus qu’ailleurs sur le continent. C’est aussi celle d’un intense bouillonnement culturel. L’ancien village de pêcheurs lébou métamorphosé en une ville surpeuplée de plus d’un million d’habitants, offre une vitalité rafraîchissante en Afrique de l’ouest. Le bel ouvrage Dakar, nid d’artistes, édité par Malika Editions, donne à lire et à voir cette créativité folle à travers l’œil d’une centaine de personnalités illustres ou moins connues. Une « promenade émotionnelle » dans laquelle nous embarquent Youssou Ndour, Coumba Gawlo, Dip Doundguiss, Mohamed Mbougar Sarr, mais aussi des cinéastes, slameurs, stylistes, universitaires, issus de toutes les générations.
« Ils ont accepté de partager leur relation d’amour ou de désamour à cette ville fascinante », explique l’auteure Aïsha Dème, connue pour son activisme culturel en faveur de sa ville natale.
A travers cette somme de regards, de sentiments et de coups de gueule se tisse également l’histoire intime et mémorielle de Dakar. Une manière originale et trépidante de (re)découvrir une cité parfois déconcertante mais toujours surprenante. Coumba Kane
Dakar, nid d’artistes, d’Aïsha Dème, éd. Malika, 368 pages, 45 euros (en vente au Sénégal et en ligne à partir de janvier 2023 sur Amazon, la Fnac…).
« Décadrage colonial »
En 1931, les surréalistes dénoncent avec force l’exposition coloniale organisée à la gloire de l’empire français. A Paris, ils publient des tracts « Ne visitez pas l’exposition coloniale » dans lesquels ils fustigent la propagande véhiculée à travers les clichés « d’une vie facile, des négresses à gros nénés, le sous-officier très élégant dans son complet de toile se promène en pousse-pousse traîné par l’homme du pays, l‘aventure, l’avancement ». C’est sur cet événement que s’ouvre Décadrage colonial pour marquer d’emblée le propos qui sera celui du livre : proposer une relecture critique de la production photographique, « en contexte colonial » de l’entre-deux-guerres.
Les clichés reproduits – pour partie également montrés à l’exposition éponyme organisée au Centre Pompidou jusqu’au 27 février 2023 – sont extraits pour nombre d’entre eux du fonds de l’historien Christian Bouqueret. Images rapportées par des photographes dans le sillage des missions ethnographiques, par les envoyés spéciaux des magazines qui se passionnent pour les confins de l’empire, ou pour répondre à la commande publique constituent quelques-uns des chapitres de cet imaginaire colonial à travers lesquels l’attrait et la fascination pour ces « univers exotiques » s’expriment sans filtre. Laurence Caramel
Décadrage colonial, sous la direction de Damarice Amao, éd. Textuel, 192 pages, 45 euros.
« Sandé, société secrète féminine »
Le Sandé est la principale société secrète féminine présente en Sierra Leone et au Liberia au sein de plusieurs ethnies. Sa mission principale est l’initiation des jeunes filles pour les préparer au mariage. Elle est le pendant de la société masculine, le Poro, qui a été beaucoup plus étudié et dont les règles sont mieux connues. Tous deux passionnés par le Sandé, Christiane Kauer et Claude Michalak ont mis leurs connaissances en commun pour raconter les origines et les rites de cette société dont les croyances se matérialisent par une riche production d’objets de culte. Alors qu’en règle générale, l’utilisation du masque en Afrique est réservée aux hommes, le masque sowei, propre à la société Sandé, y fait exception en représentant « une image idéalisée de la beauté, de la perfection féminine et de ses pouvoirs ». L’ouvrage, richement illustré, en reproduit de nombreux spécimens aux côtés d’autres objets de cérémonie. L. C.
Sandé, société secrète féminine, de Christiane Kauer et Claude Michalak, éd. Gourcuff Gradenigo, 188 pages, 59 euros.
« Pharaon des Deux Terres »
Les récentes avancées dans les recherches archéologiques et épigraphiques menées en Nubie soudanaise ont permis d’approfondir la connaissance du royaume de Napata et ce faisant de l’épopée de l’un de ses rois dont l’appétit de conquêtes aboutit à la création de la XXVe dynastie égyptienne, au VIIIe siècle avant notre ère. Cette dynastie domina pendant une cinquantaine d’années un territoire allant du delta du Nil au nord au Soudan actuel.
L’ouvrage publié par les éditions du Louvre et abondamment illustré, retrace l’émergence de ce royaume, son expansion puis son repli dans son berceau originel situé au niveau de la quatrième cataracte du fleuve. Les sources – inscriptions sur les objets placés dans les pyramides et les stèles monumentales – constituent un matériau considéré comme exceptionnel pour une époque aussi ancienne et « une région de l’Afrique aussi distante de la Méditerranée ». Elles offrent une plongée éblouissante dans cette civilisation encore largement méconnue. L. C.
Pharaon des Deux Terres, l’épopée africaine des rois de Napata, sous la direction de Vincent Rondot, éd. El Viso et Louvre éditions, 448 pages, 39 euros.
Fabien Mollon, Olivier Herviaux, Coumba Kane et Laurence Caramel