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Eté 2020 : L’explosion de Beyrouth.
Par Evelyne Accad.
Raconter le 4 août 2020, Beyrouth.
J’étais sur le balcon surplombant le port de Beyrouth, avec ma tante Malaké de 98 ans, Tiztu la petite Ethiopienne s’occupant d’elle, Daniel mon neveu débarqué des Etats-Unis, diplôme de pompier et de premier secours en poche, Johnny l’homme de tous les secours, celui qui nous répare les maisons. Heureusement Joujou venait de repartir avec les jolis coussins de sa cousine qu’elle apportait pour se faire un peu d’argent de poche. Il était 18 heures.
Moi : J’ai entendu les avions israëliens, c’est les seuls qui franchissent le mur du son au-dessus du Liban.
Une voix occidentale : C’est des choses qu’on ne dit pas.
Moi : Et pourquoi ?
La voix… : C’est antisémite.
Moi : Je suis sémite.
La voix… : On les entend tout le temps.
Moi : Pourquoi juste à ce moment-là ?
La voix… : Tu n’as pas le droit d’accuser sans preuves.
Moi : Je n’accuse personne, je raconte ce que j’ai vu, ce que j’ai entendu, ce que j’ai senti. J’observe, je témoigne.
On a entendu des crépitements, une fumée grise montait, de plus en plus noire elle s’étendait au-dessus du port. Quand elle a commencé à envahir le balcon, j’ai dit à ma tante : il vaut mieux rentrer dans la maison et je l’ai installée dans son fauteuil préféré, entre deux fenêtres, protégée par un mur. Je ne savais pas que je lui sauvais la vie.
La fumée continuait de pénétrer la maison, je suis allée fermer les fenêtres. J’ai commencé par la cuisine dont la fenêtre fait face au port. A 18h07, je fermais la porte d’un autre balcon, celui de la cuisine, je marchais vers la porte de la cuisine donnant sur le hall menant aux autres pièces, je fus projetée en avant par l’explosion, jetée par terre, tête contre le sol dans un bruit assourdissant, des cris, de la fumée encore plus noire, un pan d’aluminium, de verre soufflé en mille éclats de fenêtre arrachée, tout m’est tombé dessus.
–Je suis morte…
J’ai tout de suite pensé aux sentiments ressentis en préparant mon retour de Paris au Liban. L’angoisse m’avait étreinte. J’avais même fait mon testament. Je me sentais si mal, comme si j’allais vers ma propre mort. J’avais toujours eu un peu d’appréhension à rentrer au Liban, cette fois c’était beaucoup plus fort. Comme un pressentiment de danger imminent alors que je faisais mes valises… Et là, par terre, c’était la fin de ma vie de lutte… il y aurait une autre bombe, ce serait la fin… Enfin le silence… enfin le repos…
–Oumi, lève-toi Evelyne, Oumi Evelyne… La voix de Johnny au-dessus des cris de Tiztu, très blessée, saignant de partout. Sa voix m’appelle, m’interpelle. Je ne suis donc pas morte. L’autre bombe n’a pas encore atterri…
Je rampe dans les débris de verre jonchant le sol, mon sang chaud et salé coule de partout, surtout d’un œil, et m’aveugle. Mes dents me font mal. Je respire avec difficulté en me redressant…
Je ne suis donc pas morte ? L’éloge du risque d’Anne Dufourmentelle me vient à l’esprit.[1] Pourquoi là et pourquoi à ce moment là ? C’est comme un sentiment très fort de victoire, une conquête de la mort. Comme si j’étais droguée d’un pouvoir surnaturel.
Il faut que j’arrête le sang. Avec Tiztu on se tient au-dessus de l’évier et on s’éponge le liquide visqueux coulant surtout de nos têtes. Communion du sang. On se tient et se soutient. Nos forces sont décuplées par la sororité, la solidarité ressentie…
J’entends ma tante crier, elle a été transportée sur une marche d’escalier remplie d’éclats de verre et de détritus. Les ascenseurs sont détruits. Les portes arrachées. L’aluminium tordu. Nous sommes au huitième étage. Mon neveu vient de transporter une femme aux jambes arrachées de l’étage du haut. Il revient chercher ma tante qui ne veut pas partir. Johnny me dit de ramasser tous les papiers, l’argent et toutes les choses précieuses que j’ai et de les mettre dans la petite valise que je porte dans l’avion pour mes voyages. Il a une oreille fendue. Avec mon neveu, qui filmait toute la tragédie pour sa fiancée dans la montagne depuis une autre pièce, ils ont échappé à la mort enveloppés dans d’épais rideaux leur faisant un rempart, comme un linceul les protégeant de la mort. Ma tante a aussi été protégée par le mur entre les deux fenêtres volées en éclat. Les projectiles de la pièce de séjour lui sont passé au-dessus de la tête comme par miracle. Elle nous dit où prendre son argent et ses papiers. Elle ne veut pas que mon neveu la porte et il doit la mettre de force sur son dos pour descendre les escaliers. Je l’entends crier qu’elle veut rester dans sa maison alors qu’il descend les escaliers couverts de débris et de verre brisés ma petite tante tellement amaigrie cassée en deux sur son dos.
Je me cramponne à Tiztu et on descend les huit étages nous soutenant l’une l’autre dans le sang dégoulinant de partout, sur le verre qui crisse sous nos pieds… une descente comme une éternité… extase de se sentir en vie… On arrive en bas, la femme du portier est très blessée, son mari à côté d’elle nous demande de les aider… à quel hôpital aller ? Que faire ? Je souhaite tellement pouvoir leur porter secours mais j’en suis incapable. Mes jambes me soutiennent avec peine. Je me déplace comme un zombie. Le ciel est menaçant. Je crains d’autres bombes. J’ignore tout du danger qu’on vient de subir. Je crois notre bâtiment seul ciblé. Je me crois seule au monde malgré les victimes autour de moi.
Mon neveu Daniel a déjà installé la tante Malaké dans ma voiture détruite, les vitres brisées en mille éclats, le plafond défoncé, les miroirs arrachés. Comment a-t-il réussi à nettoyer suffisamment l’endroit où il l’a placée et attachée ? Plus tard je vois qu’il a pris le tapis du sol pour couvrir le siège et nous protéger. Avec Tiztu, j’ai de la peine à m’asseoir sur les bouts de verre nous pénétrant et blessant notre chaire à vif. Mon neveu arrive à démarrer la voiture, oh miracle ! Je ne sais comment il se faufile dans les rues remplies de voitures pare-choc contre pare-choc, foule criant, gesticulant, portant enfants et vieillards dans les bras ou sur le dos.
L’heure est grave, on apprend que les hôpitaux avoisinants sont touchés et détruits. Où est passé Johnny ? Où doit-on aller ? Mon neveu Martin appelle Daniel et lui dit d’aller dans un hôpital de la montagne pas trop loin de notre maison familiale. On aperçoit Johnny dans sa propre voiture, l’oreille ensanglantée à recoudre. Il nous confirme que le mieux est d’aller dans la montagne. L’étendue du désastre est encore inconnue. Nos téléphones marchent très mal. Je ne sais pas comment mon neveu fait pour zigzaguer entre les voitures et trouver son chemin dans la montagne. Un vent moite et chaud nous fouette le visage dans la voiture sans fenêtre. Je le respire à plein poumons, heureuse d’être en vie, étonnée d’avoir survécu la catastrophe dont nous ne mesurons pas encore l’ampleur terrible.
Arrivés aux urgences de l’hôpital, la file de blessés est impressionnante. On doit me trouver bien mal en point pour me frayer un chemin jusqu’à l’intérieur avec Tiztu dont je suis séparée. Quant à ma tante, elle a disparu… Je suis rassurée plus tard concernant sa prise en charge par Cécile ma nièce accourue aux urgences avec d’autres membres de la famille. C’est Johnny et Daniel qui me l’apprennent, ils ont réussi à me retrouver dans un couloir où on m’applique les premiers soins : des bandages serrés très fort pour arrêter le sang. Johnny me dit qu’il va dans un hôpital près de sa maison pour faire coudre sa blessure à l’oreille. Mon neveu Daniel va prendre la petite valise pour la mettre à l’abri, se doucher, se reposer dans la maison d’une sœur à sa fiancée se trouvant près de l’hôpital. La femme blessée assise sur la chaise à côté de moi n’arrête pas de geindre et de se plaindre. Elle semble avoir trouvé l’astuce pour être prise en charge plus rapidement. Moi je ne sais pas y faire… je cherche désespérément à joindre des amis sur mon portable qui ne marche pas. Le temps me semble long, et je suis assommée.
Pourquoi ai-je repensé à Dufourmentelle ? L’idée de ma psy, femme exceptionnelle qui m’a tant appris et qui me manque terriblement, me donne des forces. Ses mots, « Le risque est une projection de soi-même dans une situation inédite, nouvelle, qui déchire le temps en deux : le temps d’avant et le temps nouveau. Il y a toujours une part de hasard, de pari et la perte d’un état ancien auquel on ne pourra pas revenir. » Je suis consciente d’avoir franchi une étape de ma vie qui va tout chambouler. Elle, ma merveilleuse psy, a trouvé la mort dans ce risque. Moi, j’ai survécu… je sens une aurore pointer dans l’immense lassitude qui m’envahit.
Puis apparaissent Martin, un autre neveu, avec sa femme Nadia qui va s’occuper de Tiztu très blessée. La présence de Martin me réconforte. J’ai toujours apprécié sa manière très sobre, ses mots pesés, son langage analysé, ses engagements mesurés. Il a la personnalité d’un intellectuel, un intellectuel engagé, souvent rare dans le monde académique… J’aurais pu avoir un fils comme lui… Il ne parle pas pour ne rien dire et on peut lui faire confiance. Nadia, sa femme, très belle et mesurée elle aussi, connaît plusieurs médecins de l’hôpital. Avant d’aller vers Tiztu, elle leur demande de me prendre en charge rapidement car je saigne et suis très pâle. Mais toutes les salles sont occupées. Les médecins s’affairent autour de moi pour recoudre les blessures de mon cuir chevelu dans le couloir improvisé en salle d’hôpital ; ils me font des points de suture, sans anesthésie. Heureusement, je suis anesthésiée par la peur et la douleur. Martin prend des photos. Je lui demande s’il peut les mettre sur Facebook, consciente qu’on doit s’inquiéter pour moi… à mille lieux d’imaginer le degré d’inquiétude que ma « disparition » a engendrée.[2]
Mon téléphone sonne, oh miracle ! C’est ma chère amie Roula :
–Evelyne, on vous cherche, on m’appelle, on me demande comment vous allez…
–J’ai survécu chère Roula, je suis en vie, je n’arrête pas de penser à L’éloge du risque de Dufourmentelle. Vous l’avez lu ?
–La littérature nous sauve, c’est notre issue de sortie… vous avez encore tant à donner au monde. Elle nous dit ce que nous devrions tous entendre : « Ne pas avoir peur d’aller vers nos passions négatives : la dépendance, l’angoisse, la tristesse, la peur, car elles sont nos alliées, c’est en explorant les bords et les abords de ces passions négatives, c’est en les visitant et les revisitant que nous pouvons nous déployer plus largement, et y compris aussi vers la joie. Anne Dufourmantelle nous dit de prendre le risque d’aimer, de vivre afin de s’extirper de toute dépendance. »[3]
Roula continue : « Remettez-vous chère Evelyne… je vais contacter toutes les personnes qui m’appelle de France et d’Amérique pour les rassurer, leur dire que vous allez bien, que vous parlez même de littérature… Je vous rappelle dès que j’aurai réussi à les joindre car ils s’inquiètent pour vous. »
Je suis donc une survivante ? Pour la deuxième fois… J’ai déjà survécu le cancer. C’est une autre épreuve… Je vais m’en sortir malgré ce crâne sanguinolent, ces bouts de verre me déchirant de partout, le sang qui coule dans mon œil et m’aveugle, les douleurs, les peurs, toute la souffrance du peuple qui m’entoure… Je sens une communion avec lui, je me sens appartenir encore plus à ce pays blessé, déchiré une fois de plus (je n’en connais pas encore l’ampleur), écrasé par tous les enjeux mondiaux, dirigé par des mafieux, les seigneurs de la guerre transformés en politiciens communautaires. Je sens une rage monter contre ceux qui ont si mal géré le pays.
Mais je fais partie de l’étoffe de ce pays. Je le porte dans mon cœur. Nous allons nous en sortir… Nous nous serrons les coudes au-dessus de la mêlée, des enjeux mondiaux, du marasme de la haine, du virus qui aggrave la situation, de la folie meurtrière des hommes, d’un désastre programmé depuis des années… il nous reste la colère, il nous reste la révolte, il nous reste surtout l’amour, la compassion, la tendresse…
Les infirmiers viennent me chercher pour un scanner de la tête et me recoudre la peau sous l’œil. C’est Martin qui les suit poussant la chaise roulante sur laquelle on m’a installée. Nadia sa femme est occupée avec Tiztu qu’on doit recoudre de partout. On lui a déjà fait deux cents points de suture à vif, dans le couloir. Elle est courageuse notre petite Tiztu et Nadia est touchante dans sa manière de surveiller sa prise en charge.
J’attends le scanner dans le couloir avec d’autres blessés. Des personnes qui ont connu mes parents et mon frère aîné me parlent et prennent des nouvelles de la famille. C’est étonnant ces files et nœuds d’amitié parmi les Libanais au travers des ans, des liens qui perdurent dans le désordre du chaos du monde qui touche le Liban encore plus que d’autres pays. Des douleurs se réveillent en moi, je demande des calmants, des antidouleurs. On n’arrive pas à m’en procurer. Comme vais-je supporter les sutures de la peau sous l’œil ? Je suis découragée.
Le téléphone sonne pour la deuxième fois, c’est Roula :
–Comment vous sentez-vous maintenant Evelyne ? J’ai réussi à joindre les amis et à les rassurer. Ils vous transmettent tous leur amitié et leurs vœux de guérison. Tenez bon Evelyne, tenez bon ! Nous sommes là pour vous.
Chère Roula qui arrive à me parler de Christiane, de Jean-Christophe, de Marc, de tous les amis qu’elle est arrivée à joindre pour me soutenir tout en les rassurant. Une chaîne d’amitié très forte s’est formée dans cet espace tragique et dans le temps qu’on vit…
Il est déjà presque minuit et j’attends toujours le scanneur. J’ai très mal à la tête mais on ne m’a pas encore donné d’antidouleur. Nadia vient rejoindre son mari et demande au personnel de m’en procurer. On me pique enfin un IV de paracétamol, et on me fait enfin passer sous le scanneur dont l’examen du cerveau s’avère négatif, donc positif : je n’ai pas de lésions dans la tête.
Il est passé minuit, il y a encore une longue rangée de blessés qui attendent dans les couloirs pour des soins ou des examens. Mon téléphone sonne et par miracle, c’est l’internet qui s’est remis en marche et j’entends la voix de mon frère Philippe des Etats-Unis avec sa femme Merri Teresa. Il est fou d’angoisse et de peurs. Je peux le rassurer, lui dire que toute la famille est autour de moi et me soutient dans ces moments de peine et de tragédie pour moi et pour le Liban. Je sens son affection à travers l’espace.*
Martin et sa femme m’amènent à l’étage où une ophtalmologue très sympathique me prend en charge pour m’examiner l’œil et réparer la peau déchirée sous l’œil. Cette doctoresse au dévouement absolu est là depuis l’explosion. Elle est revenue d’une journée chargée de rendez-vous pour soigner les blessés dont un nombre important ont perdu l’œil ou la vision, ce qui n’est pas mon cas me rassure-t-elle… elle sera là jusqu’au petit matin. Fait très touchant, son mari est venu pour la soutenir et l’accompagner dans sa fidélité à la profession. Il est là, attentif, pour la seconder, voir comment l’aider à tenir bon dans l’affluence de tous ces blessés… arriver à sauver la vue au plus grand nombre. Je ne peux m’empêcher de penser encore une fois à ce peuple libanais si courageux affrontant vents et marées depuis tant d’années. Pourquoi suis-je née dans ce pays plutôt que dans un autre, et pourquoi ce pays doit-il tant souffrir ? Comment un peuple si courageux, si intelligent, si hospitalier, si ouvert aux autres peut-il être à ce point persécuté et terrorisé ? Ce sont presque les mêmes questions que je m’étais posées durant le cancer : pourquoi moi ? Pourquoi pas moi ? …
Il est deux heures du matin et nous sommes agglutinés les uns aux autres avec les blessés et leurs familles dans les couloirs de l’hôpital. On doit faire d’autres examens. On veut nous vacciner contre le tétanos mais il est en rupture de stock. On doit attendre l’évaluation du médecin avant d’avoir l’autorisation de sortir. C’est Emmanuel, le fils de Said et Cécile qui viendra nous chercher passé cinq heures du matin ! Encore une fois, je suis touchée et impressionnée par tous les membres de ma famille, petits et grands, qui sont venus me soutenir dans cet hôpital où je suis restée neuf bonnes heures dans une robe déchirée couverte de sang visqueux et coagulés, sang et bout de verre dans mes cheveux et sur mon corps. C’est cette famille qui s’est organisée pour nous offrir, moi et ma tante, leur soutien matériel, psychologique et spirituel. Je n’aurais pas tenu le coup sans eux et sans tous les coups de fils amicaux et les pensées qui m’ont aidée à traverser cette épreuve. Qu’ils soient remerciés ici…
Tant de noms à reconnaître et à nommer : Huguette m’a douchée le lendemain avec délicatesse enlevant les bouts de verre accrochés au sang séché de mes cheveux qu’elle a dû commencer à couper, les touffes rebelles continuant de me blesser ; Alina a soigné mes blessures, elle a dû me ramener à l’hôpital pour me faire recoudre, sous anesthésie cette fois, mon crâne continuant de saigner ; Monique en larmes avec Jean-Pierre m’ont téléphoné dans toute la force de notre longue amitié ; André et sa fille Rania nous ont prêté l’appartement de la montagne où l’on s’est senti à l’aise, accueilli avec prévenance et tant de gentillesse, son fils Hadi nous a envoyé une grosse somme d’argent pour réparer l’appartement ; Georges et Hala sans cesse présents pour prendre de nos nouvelles et nous encourager ; Roula avec toujours les mots justes pour arriver à regarder plus haut ; Tracy me téléphonant pour prendre de mes nouvelles et me dire que la tragédie du port avait été un wake-up call la faisant démissionner de son poste d’ambassadrice où elle ne se sentait plus de représenter des politiciens incapables de gérer le pays ; Hélène ma merveilleuse cousine libanaise ; Maria, Eva et Elisabeth mes amies suédoises, Sylvana rassurante et aimante, Jay mon ex téléphonant presque tous les jours des Etats-Unis rempli de sollicitude et d’inquiétude, Armanda, Beth, Georges Serra, William et Marie-Cécile, Ezza téléphonant plusieurs fois par semaine pour prendre de nos nouvelles avec ma tante, Zohra, Regina, Nicolas et Dinah, Jean-Christophe m’attendant avec un repas chaleureux d’amitié pour mon retour, Wafa, Salma, Norma, Janine, John Ireland, Evelyne Lavaux, Cindy toujours présente dans l’absence ma traductrice la plus constante et fidèle, Zohreh, Samira, Jihad et sa famille, Yves, Manu, Bettina, Evelyne Coco, Cheryl m’écrivit la lettre si poignante ajoutée dans ce texte en bas de page, Leila ma nièce et ma fille, Amel mon amie tunisienne toujours là et dans mon cœur ; et tant de femmes de WIF (Women in French) qui m’ont écrit pour me soutenir ou m’envoyer des dons ; et NCC (New Covenant church de Champaign) leurs prières et leurs dons ; ma sœur Jacqueline et son mari Fawzi et leurs prières constantes ; mes éditrices d’Australie Spinifex et mes éditeurs de l’Harmattan si touchants dans leurs messages de soutien ; ma cousine Nicole et son amie Alexandra venue de Suisse spécialement pour aider… comment tous vous nommer ?
Comment n’oublier aucun nom quand ils sont si nombreux ? Comment ne rien laisser passer de cette chaîne d’amitié à travers le monde qui permettra peut-être à l’humanité de survivre ?
ÉVELYNE ACCAD
Professeure émérite, université d’Illinois (USA) et Lebanese American University (Beyrouth)
Evelyne Accad, née à Beyrouth, Liban, vit entre le Liban, la France et les Etats-Unis. Ecrivaine, Chanteuse/Compositrice, Poétesse, Professeure Emérite de Littérature Comparée Francophone et Arabophone, d’Etudes Africaines et Féministes à l’Université d’Illinois, et à la Lebanese American University de Beyrouth. Auteure de nombreux ouvrages, études et romans en Anglais et Français (traduits dans plusieurs langues) dont Un amour tissé dans la tourmente : récit à trois voix. Paris : L’Harmattan, 2019. L’Excisée/The Excised, (roman) deuxième traduction de Cynthia Hahn, édition bilingue avec introductions et notes. Paris: L’Harmattan, 2009. Coquelicot du massacre. (roman sur la guerre du Liban, avec CD de chants composés et interprétés par l’auteur pour accompagner) Paris: L’Harmattan, 1988. Nouvelle édition bilingue, traduction et préface de Cynthia Hahn, Poppy from the massacre. Paris: L’Harmattan, 2006. Femmes du Crépuscule(nouvelles). Paris : L’Harmattan, 2008. Femmes du crépuscules/Women of the Twilight. Edition bilingue. Traduction de Cynthia Hahn Prologue de Michèle Ramond. Paris : alfabarre, 2011. Voyages en Cancer (Préface Yves Velan). Paris : L’Harmattan, Tunis: Aloès, Beirut : An-Nahar, 2000. Blessures des Mots: Journal de Tunisie, (roman). Paris : Côté femmes, 1993. Des femmes, des hommes et la guerre: Fiction et réalité au Proche-Orient (étude). Paris : Côté femmes, 1993. Coquelicot du massacre (roman) Paris: L’Harmattan, 1988. L’Excisée (roman) Paris : L’Harmattan, 1982 (deuxième édition 1992). Montjoie Palestine! or Last Year in Jerusalem (édition bilingue, traduction du poème dramatique de Noureddine Aba avec introduction et notes.) Paris : L’Harmattan, 1980. Dernière publication: Blessures des mots: Journal de Tunisie/Wounding Words: A Woman’s Journal in Tunisia. Collection “Créations au féminin”, dir. Michèle Ramond(Paris : L’Harmattan, 2016) édition bilingue, traduction Cynthia Hahn, avec de nouvelles préfaces de femmes tunisiennes Dr. Khedija Arfaoui et l’un des personnages du roman, Amel Ben Aba.
A reçu de nombreux prix dont le prix Phénix 2001 pour Voyages en Cancer, le prix France-Liban de l’ADELF, 1994, pour Des femmes, des hommes et la guerre: Fiction et Réalité au Proche-Orient, le Delta Kappa Gamma International Educators Award … .
[1] « Le risque, c’est l’épreuve par excellence du courage et de la liberté » En Hommage à Anne Dufourmantelle, sa très belle interview sur l’ »Eloge du risque » :
https://www.femmeactuelle.fr/sante/psycho/anne-dufourmantelle-eloge-du-risque-dignite-courage-hommage-2048822. Inspirée, inspirante, aimée et aimante, c’est peu dire d’Anne Dufourmantelle.
La philosophe et psychanalyste, décédée le 21 juillet 2017 en sauvant des enfants de la noyade, avait, de surcroît, le don rare de joindre l’acte à l’élégance de sa parole. Lorsqu’elle a publié Eloge du risque, (Manuels Payot), la journaliste Danièle Laufer a réalisé cette belle interview pour le magazine Prima.
[2] Chère Evelyne,
Il était 13h37 chez moi mardi et donc 20h37 à Beyrouth, 2.5 heures après l’explosion quand j’ai eu Barbara au téléphone. « Elle vient d’arriver, cette explosion ? » je lui demande. « Mais non ! » me dit-elle. « Il y a plus de deux heures. » J’ai su par Facebook qu’il y avait cette explosion grâce à un seul mot affiché sur le mur d’une amie : Beirut. Aucun détail… Mais il était facile d’en trouver dans les médias. Je n’ai pas paniqué tout de suite parce que je pensais que tu étais probablement à la montagne. En me rappelant ce que Barbara m’avait dit: « il y a plus de deux heures », j’ai réfléchi. Je sais que tu es une communicatrice passionnée et efficace. Je me suis dit qu’à cause de la crise, tu n’avais probablement pas d’internet à la montagne. J’ai essayé d’appeler d’autres amies à Beyrouth, tout le monde avait son internet. J’ai regardé ta page Facebook, je t’ai envoyé un message sur Whatsapp… rien. Etrange. J’ai appelé une dizaine d’amies libanaises et tout le monde était joignable—elles étaient toutes secouées, mais joignables—sauf toi. Si d’autres avaient été sans internet, je ne me serais pas inquiétée autant. Mais tu étais la seule… peut-être que tu étais chez ta sœur Jacqueline ? C’est plus près du port par rapport à la montagne.
Le temps passe. Toujours rien… j’ai envoyé un texto à notre amie Monique : « As-tu des nouvelles d’Evelyne ? Il y avait une explosion à Beyrouth—énorme ! » Mais Monique n’en savait rien. Elle faisait une promenade à vélo avec Jean-Pierre. « Allume la télé » … et puis Monique me dit que ton appartement était près du port. Mais non, elle ne m’as jamais parlé du port. « Si, si, » dit Monique avec certitude. « Elle me montre des photos de chez toi que tu lui avais envoyées de la vue du port. »
Toujours pas de messages de toi, rien sur ton Facebook, tu ne réponds toujours pas au téléphone. Silence radio. Et ce silence est assourdissant… aussi assourdissant que l’explosion qui a failli te tuer.
Panique… il se passe sûrement quelque chose. Je me rappelle que tu m’avais dit avoir revisité ton testament avant de partir… tu craignais de ne pas revenir. Je t’avais demandé de ne pas parler comme ça. Tu avais déjà fait 36.000 voyages à Beyrouth, rien n’était arrivé… tu n’avais jamais parlé comme ça. Pourquoi en parler maintenant ? Mon anxiété s’intensifie, tes propos, ton absence, ton silence… avais-tu eu un pressentiment ? L’angoisse me saisit : Evelyne voulait me dire quelque chose et je l’ai ignoré ? J’en ai même ri un peu avec toi… ou peut-être que moi seule j’en ai rigolé dans mon fort intérieur … pourquoi ne t’ai-je pas demandé d’expliquer ?…
Une heure ou deux plus tard. Toujours rien. Monique confirme que ses messages tombent dans le vide, pour elle aussi. Personne à Beyrouth ne manquait à l’appel… sauf toi. Monique et moi avons décidé de regarder les pages facebook des membres de ta famille. C’est moi qui ai dû le faire parce qu’elle n’a pas Facebook… elle le regrettait bien à cet instant-là au moins, je te le jure. Et voilà. C’est confirmé… tu es blessée… mais à quel point ? J’ai pris des photos des images sur Facebook pour les transmettre à Monique avec Whatsapp… je ne voulais pas être seule à découvrir tout ceci. Monique et moi avons commencé à flipper un peu, parce que ta belle sœur Merri Teresa et ton frère Philippe flippaient sur Facebook. Mais le seul détail qu’on cherchait, Monique et moi, manquait…on avait l’impression que c’était grave pourtant. Etais-tu toujours en vie ? C’était difficile de dire ça à haute voix… Je ne voulais pas prononcer ces mots… Monique non plus. Mais on s’est comprises. J’ai écrit à Merri Teresa par Messenger. Elle a répondu tout de suite en fait mais elle nous a dit que ton neveu Daniel, leur fils, t’avait amenée à l’hôpital mais ils n’avaient pas de nouvelles depuis des heures. Des heures …
Monique ne voulait plus en parler… si l’on refuse d’en parler, ça veut dire que ce n’est pas vrai. Moyen d’éviter une réalité. Elle a insisté—on n’en parle plus. Elle était énervée même. Mais je savais qu’elle y pensait sans arrêt.
Ce n’était pas possible. Merde.
Chaque heure pendant des heures, je t’ai écrit une phrase ou deux… mais les mots tombaient dans le vide… Je n’avais pas forcément besoin d’une longue réponse de toi… il aurait suffi en fait, tout simplement, de voir les petites flèches bleues s’affichant en bas du message Whatsapp. Preuve qu’on voit le message… un petit signe de vie quand même, c’est tout ce que je demandais à ce moment-là. Mais rien. Aucune flèche bleue sur aucun message…
Notre amie Adjéra m’a contactée… Kristin Lems aussi…. Mais je n’avais absolument rien à leur confirmer.
On t’avait vraiment perdue ? Si vite que ça ? Sans avoir eu une dernière chance de te dire qu’on t’aimait, après avoir gaspillé je ne sais pas combien d’années à chercher le mot juste pour te communiquer comment tu m’es précieuse, comment tu nous es précieuse ? Un mot, des mots plutôt que je n’ai jamais réussi à trouver.
Notre relation avait beaucoup de profondeur, me suis-je dit, et j’étais sincère…. des hauts mais aussi des bas, comme toute véritable amitié… on avait surmonté beaucoup d’obstacles, on avait fêté tant de choses … on avait tant vécu ensemble à travers les années, souvent avec intensité…. j’avais oublié de te le dire récemment toutes ces choses qui me venaient à l’esprit… depuis tant d’années… et pourtant, l’amitié ne va jamais de soi. Moi aussi, j’avais vieilli. Je n’avais plus 25 ans de notre première rencontre. J’oublie… involontairement… Tout est pour demain ou dans mes projets. Tout est tellement compliqué.
Je ne suis pas vraiment croyante, mais dans ce moment de désespoir, j’ai demandé à notre amie Madeleine et même à Paul, ton amour, d’intervenir… où qu’ils fussent dans l’univers… sûrement les deux savaient où tu étais, que tu ne voulais pas partir, et de toute évidence, pas de cette manière. Peut-être qu’ils pourraient aider ? Puis je me suis mise à parler directement avec toi : « où que tu sois dans l’univers ». Sûrement qu’il y en avait d’autres comme moi essayant de communiquer par télépathie avec toi pour te dire de rester avec nous ou, si tu étais déjà partie, on t’implorait de revenir. J’ai écrit à Merri Teresa une dernière fois sans réponse… il était tard à Beyrouth après tout.
Et puis enfin… minuit pour moi, enfin trois photos de toi et quelques mots rassurants et chaque mot valait son pesant d’or dans ce contexte. Deux photos m’ont montré la gravité de tes blessures mais une troisième captait cette étincelle en toi, malgré le sang, le choc, et la fatigue. C’était la photo avec ton neveu Martin. Tu fais jeune sur cette photo… oui, je dis que tu y fais jeune. J’en étais surprise. On dit qu’une telle tragédie vieillit une personne…. mais je te jure, regarde à nouveau cette photo aujourd’hui, tu verras la même chose. Une beauté, une étincelle venant d’une immense victoire. Je te jure, ça se voit. Il y a même un faible sourire… pas de bonheur mais comme un véritable geste de défi…. Tu as défié la mort mais pas que…..
J’ai contacté tout le monde, malgré l’heure tardive (ou matinale, ça dépend), malgré tout.
« Evelyne est en vie ».
Maintenant, c’est à nous, tes amis, d’être à la hauteur pour toi. Ce n’est pas à nous de te demander de raconter pour la millième fois les horreurs par lesquelles tu es passée le 4 aout à partir de 18h07 à Beyrouth. Mais on sera là pour t’aider à surmonter le cauchemar, et oui, on t’écoute et tu nous diras ce que tu as envie de décrire. Tu ne nous dois rien d’autre que ça. On sera toujours là pour écouter, simplement parce qu’on t’aime. Mais avec chaque jour qui passe, je vois que tu es déjà sur la bonne route. Quand même… quand les mauvais souvenirs sont trop lourds à porter, ou quand la colère monte en toi, on est là pour t’écouter, pour te soutenir.
Quatre jours plus tard, tu affiches des liens pour aider financièrement le Liban, tu aides la militante Tracy Chamoun, actuellement ambassadrice à Amman à écrire un discours pour la nation… comme si tu t’étais déjà complètement remise. Je sais que ce n’est pas vrai—il faut que tu guérisses encore–et je ne veux surtout pas diminuer ou simplifier la chose, mais tu as très vite émergé des décombres et la vague de colère noire est présente à Beyrouth ; il y a sûrement une raison primordiale pour laquelle tu es là en ce moment et pourquoi tu es toujours ici avec nous… Ce n’est que le début…
Je t’embrasse très fort, Cheryl
[3] https://www.babelio.com/livres/Dufourmantelle-loge-du-risque/253675
Explosion in Beirut. By Evelyne Accad.
August 4, 2020
(Translated from the French by Cynthia Hahn and Cheryl Toman who translated her amazing letter.)
I was on the balcony overlooking the port in Beirut, with my ninety-eight year-old Aunt Malaké, and with Tiztu, her young Ethiopian caretaker. My nephew Daniel, newly arrived from the U.S., after finishing his firefighter-paramedic training was there too, as well as Johnny, the handyman who does our home repairs. Fortunately, Joujou had just left for home with her cousin’s pretty cushions that she would sell to earn a little pocket money. It was 6 p.m.
Me: I heard the Israeli planes, they are the only ones that break the sound barrier over Lebanon.
Western voice: People don’t mention that kind of thing.
Me: Why not?
Western voice: … It’s antisemitic.
Me: But I’m a Semite.
Western voice: … We hear them all the time.
Me: But why right at that moment?
Western voice: … You don’t have the right to make accusations without proof.
Me: I’m not accusing anyone, I’m just recounting what I’ve seen, what I’ve heard, what I’ve felt. I’m an observer, a witness.
We heard some sputtering; a gray smoke was rising, darker and darker, spreading over the port. When it began to reach the balcony, I said to my aunt: it would be best to go inside, and so I sat her down in her favorite armchair, between two windows, protected by a wall. I didn’t know then that I was saving her life.
Smoke continued to penetrate the apartment; I went to close the windows. I began in the kitchen, whose window faced the port. At 6:07 p.m., I was closing another balcony door in the kitchen; I was walking towards the kitchen door that led to the hallway access to the other rooms, when I was suddenly projected forward by the blast, thrown to the floor, head plastered to the ground in the deafening noise, the cries, a still darker smoke, with a piece of aluminum frame and glass shattered into a thousand shards from the window blown in, everything falling down upon me.
—I am dead…
Suddenly I recalled my feelings while preparing for my return to Lebanon from Paris. I was gripped with anguish. I had even written my will. I felt so downcast, as if I were moving towards my own death. I had always felt a certain apprehension before returning to Lebanon, and this time it was much stronger. As if it were a foreboding of imminent danger as I was packing my bags… And there, on the floor, I felt the end of my life of struggle… there would be another bomb, it would be the end… Finally, the silence… finally, rest…
—Oumi, get up, Evelyne, Oumi Evelyne… It was Johnny’s voice above Tiztu’s cries; she was hurt badly, bleeding all over. His voice called me, called out to me. So I am not dead after all. The other bomb has not yet landed…
I crawl through the glass debris littering the floor, my blood hot and salty, dripping everywhere, especially from one eye; it blinds me. My teeth hurt. I have trouble breathing as I sit up…
So I am not dead? L’éloge du risque by Anne Dufourmentelle comes to mind.[1] Why there and in that precise moment? I feel heady, with a very strong feeling of victory, a triumph over death. As if drugged by some supernatural power.
I have to stop the bleeding. Along with Tiztu, I hold myself over the sink and we sponge off the thick liquid dripping mainly from our heads. A communion in blood. We hold onto each other, hold each other up. Our strength is magnified tenfold by our sisterhood, a feeling of solidarity…
I hear my aunt cry out, she was being transported on a stair plank strewn with bits of glass and refuse. The elevators have been destroyed. The doors pulled off their hinges. Twisted aluminum. We are on the eighth floor. My nephew just carried a woman from the floor above, whose legs had been blown off. He comes back to get my aunt who doesn’t want to leave. Johnny tells me to collect all the papers, money and precious items that I have and to put them into my little carry-on bag. His ear is split. He and my nephew, filming the whole tragedy from another room for his fiancée in the mountains, both survived, enveloped in the thick curtains that sheltered them, like a shroud protecting them from death. My aunt was also shielded by the wall between the two windows that had shattered. By some miracle, projectiles from the living room had passed just over her head. She tells us where to find her money and her papers. She doesn’t want my nephew to carry her and he has to force her onto his back to descend the stairs. I hear her crying out that she wants to stay in her house as he goes down the stairs covered with debris and broken glass, my little aunt so thin, bent in two over his back.
I cling to Tiztu and we descend the eight flights of stairs, holding each other up, as blood drips everywhere, upon the glass crunching under our feet… descending takes an eternity… the ecstasy of feeling alive… We reach the ground floor, the doorman’s wife is badly hurt, her husband at her side asks us to help them… which hospital can we reach? What should we do? I so badly want to help them but I am helpless to do so. My legs barely keep me upright. I am moving like a zombie. The sky is menacing. I fear there may be other bombs. I am unaware of all the danger we have just experienced. I think that our building is the only one hit. I believe I am alone in the world despite the victims around me.
My nephew Daniel has already seated Aunt Malaké in my battered car, whose windows are broken into a thousand pieces, the roof beaten in, the mirrors torn off. How did he manage to sufficiently clean the place where she had to sit and secure her my broken little aunt? Later I see that he has taken the floor carpet to cover the seat and protect us. Along with Tiztu, I sit with difficulty upon the bits of glass piercing us and digging into our scraped skin. My nephew manages to get the car started, a miracle! I don’t know how he cut through the streets filled with bumper-to-bumper cars and a screaming, waving crowd carrying children and elders in their arms or on their backs.
The situation is grave; we learn that the neighboring hospitals have been hit and are destroyed. Which way did Johnny take? Where should we go? My nephew Martin calls Daniel and tells him to drive to a hospital in the mountains not far from our family home. We see Johnny in his own car, his bloody ear needing stitches. He confirms that the best thing to do is to get to the mountains. The extent of the disaster is still unknown. Our phones are hardly working. I don’t know how my nephew does it; he zigzags between the cars and finds his way up the mountain. A warm, humid wind whips our faces in the windowless car. I breathe in deeply, happy to be alive, stunned to have survived the catastrophe whose terrible reach we could not yet perceive.
Upon arriving at the hospital emergency room, the long line of wounded awaiting treatment is astonishing. They must have decided I was in really bad shape to push me all the way inside with Tiztu, who became separated from me. As for my aunt, she has disappeared… I am reassured concerning her care later on from Cécile, my niece who had rushed to the emergency room with other family members. Johnny and Daniel tell me that they managed to find me in a corridor where I was being given first aid, in the form of bandages tightly applied to stop the bleeding. Johnny tells me he’s going to a hospital near his home to have his ear stitched. My nephew Daniel is going to take the carry-on bag with him to put it somewhere safe, take a shower, and rest in the house of his fiancée’s sister near the hospital. The wounded woman seated in a chair next to me is continuously moaning and complaining. She seems to have figured out a way to be treated more quickly. I don’t know how to do this… I try desperately to reach friends on my phone which is not working. Time moves slowly, and I am exhausted.
Why did I think of Dufourmentelle once again? The thought of my psychiatrist, an exceptional woman who taught me so much and whom I miss terribly, gives me strength. Her words, « Risk is a projection of one’s self into an unknown, new situation, that tears time in two parts: the time before and the new time. There’s always a part for chance to play, risk and the loss of a former state to which one cannot return. » I am conscious to have entered a stage in my life which is going to shake everything up. My wonderful psychiatrist found death in taking this risk. As for me, I have survived… I feel a new dawn emerging from the immense lethargy overtaking me.
Then Martin, another nephew, appears with his wife Nadia who will attend to the severely wounded Tiztu. Martin’s presence comforts me. I have always appreciated his serious manner, careful words, his analysis and measured engagement. He has the personality of an intellectual, one who is actively engaged, not easily found in academia… I could have had a son like him… He never speaks without good reason and is trustworthy. Nadia, his wife, very beautiful and also well-reasoned, knows several of the hospital’s doctors. Before going to see Tiztu, she asks them to take care of me quickly as I am bleeding and very pale. But all the rooms are occupied. Doctors approach me to stitch the wounds of my scalp in the corridor, as a makeshift hospital room; they suture my wounds, without anesthesia. Fortunately, I am numbed by fear and pain. Martin takes pictures. I ask him to put them on Facebook, conscious that some will be worried about me… so far from imagining the extent of the worry that my « disappearance » has provoked.[2]
My telephone rings, what a miracle! It’s my dear friend Roula:
« Evelyne, people are looking for you, calling you, asking how you are… »
« I have survived, dear Roula, I am alive, I can’t stop thinking about L’Eloge du risque by Dufourmentelle. Have you read it? »
« Literature saves us, it’s our outlet… you still have so much to give to the world. She tells us that we should all get along: « Don’t be afraid to move towards our negative passions: dependence, anguish, sadness, fear, for they are our allies, it’s in exploring the borders and regions of these negative passions, it’s in confronting them and returning to them that we may spread our wings, including towards joy. Anne Dufourmantelle tells us to take the risk of loving, of living to finally pull ourselves away from all dependence. »[3]
Roula continues: « Get better, dear Evelyne… I’m going to get in touch with everyone calling me from France and the U.S. to reassure them, to tell them you’re doing okay, that you’re even talking about literature… I’ll call you back as soon as I’ve managed to get hold of them because they are so worried about you. »
So I am a survivor? For the second time… I have already survived cancer. This is another trial… I’m going to recover in spite of this head streaked in blood, these bits of glass cutting my skin everywhere, the blood running into my eye and blinding me, the pains, the fears, all the suffering of the people around me… I feel in communion with them, I feel as though I belong even more to this wounded country, torn once again (I was still unaware of the extent of the blast), crushed by all the world’s power plays, driven by mafiosi, lords of war transformed into sectarian politicians. I feel a rage toward those who have so badly governed the country.
But I am part of this country’s fabric. I carry it in my heart. We will all recover… We will unite above the crowd, the power plays, the marasmus of hatred, the virus aggravating the situation, the crazed murdering of men, a disaster for years in the making… We still have anger, we still have revolt, we have most especially love, compassion, tenderness…
The nurses have come to conduct a scan of my head and stitch the skin under my eye. Martin follows them, pushing the wheelchair I have been seated in. His wife Nadia is caring for Tiztu who needs stitches all over. She has already had two hundred sharp sutures in the hallway. Our little Tiztu is courageous, and Nadia is touching in the way she is caring for her.
I’m awaiting the scan in the hallway with others who are wounded. Those who knew my parents and my older brother are talking to me and getting some of the family’s news. It’s surprising to see the links and knots of friendship among Lebanese over time, connections that endure despite the disorder of the world’s chaos that touches Lebanon still more than other countries. Pains flare up within me, I ask for a sedative, a painkiller. There are none to be found. How will I manage to withstand the stitches in my skin under the eye? I feel discouraged.
The phone rings for the second time, it’s Roula:
« How are you now, Evelyne? I managed to reach friends and reassure them. They all send their love and wishes for healing. Hang in there, Evelyne, hang in there! We’re here for you. »
Dear Roula is able to talk to me about Christian, Jean-Christophe, Marc, all the friends she was able to reach, in order to support me while reassuring them. Such a strong chain of friendship has formed within this tragic space and in this time we’re living in…
It’s almost midnight and I’m still waiting for the CAT scan. I’ve got a headache but no one has given me a painkiller yet. Nadia comes back to her husband and asks the staff to find me something for the pain. Finally, I am given an IV of paracetamol, and put through the scanner only to reveal a negative head scan, which is a positive thing: I have no head lesions.
It’s after midnight, there’s still a long line of wounded waiting in the hallways for care or tests. My telephone rings; miraculously, the internet has returned and I hear my brother Philippe’s voice from the U.S. with his wife Merri Teresa. He’s sick with anguish and fear. I can reassure him, tell him that the whole family is around me and supporting me in these moments of pain and tragedy for me and for Lebanon. I feel his affection across the distance.
Martin and his wife bring me to the floor where a very nice opthalmalogist takes charge of me to examine my eye and repair the damaged skin under the eye. This entirely dedicated woman doctor has been there since the explosion. She returned from a day filled with appointments to care for the wounded among whom a significant number have lost an eye or their sight, which is not my case, she reassures me… she will be there until the wee hours of the morning. What’s very touching is that her husband comes to support and accompany her in her faithfulness to the profession. He is there, attentive, to support her, see how to sustain her in the midst of so many of these wounded people… to manage to save the vision for the greatest number. I can’t help but think once more of this Lebanese people, so courageous, facing hell or high water for so many years now. Why was I born into this country rather than another, and why does this country have to suffer so much? How can a people who are so brave, so intelligent, welcoming and open to others, be persecuted and terrorized to this degree? These are almost the same questions I asked myself during my bout with cancer: « Why me? Why not me?… »
It is two o’clock in the morning and we are packed one on top of the other with the wounded and their families all along the hospital’s hallways. More tests are needed. They want to give us Tetanus shots but they are out of stock. We have to wait for the doctor’s approval before we can leave. Emmanuel, Saïd and Cécile’s son, along with Cécile, came to pick us up after 5 a.m.! Once more, I am touched and impressed by all my family members, young and old, who have come to support me in this hospital where I remained nine long hours in a torn dress, covered with sticky and coagulated blood, bits of glass and blood in my hair and on my body. This family came together to offer me and my aunt, their material, psychological and spiritual support. I would not have withstood the shock without them and also all the friendly phone calls and expressions of goodwill helped me to overcome this trial. I thank them here…
So many names to recall and to cite : Huguette showered me the following day with her sensitivity, picking the bits of blood-stained glass from my hair that she began to cut, those rebellious clumps that continued to irritate my skin; Alina cared for my wounds, she had to return me to the hospital for more stiches (under anesthesia this time), as my cranium continued to bleed; Monique in tears with Jean-Pierre called me and spoke with all the strength of our long friendship; André and his daughter Rania loaned us their apartment in the mountains where we felt comfortable, welcomed with thoughtfulness and so much kindness; his son Hadi sent us a large sum of money for appartment repairs; Georges and Hala were omnipresent, to gather updates and encourage us; Roula with just the right words to help transcend this; Tracy calling me to get my news and tell me that the port tragedy had been a wake-up call for her, causing her to resign from her ambassor’s post where she no longer felt she could represent the politicians incapable of managing the country; Hélène, my marvelous Lebanese cousin, Maria, Eva and Elisabeth, my Swedish friends, Sylvana, reassuring and loving, Jay my ex calling almost daily from the U.S., expressing care and worry, Armanda, Beth, Georges Serra, William and Marie-Cécile, Ezza calling several times a week asking for updates on me and my aunt, Zohra, Regina, Nicolas and Dina, Jean-Christophe waiting for me with a warm meal of friendship upon my return, Wafa, Salma, Norma, Janine, John Ireland, Evelyne Lavaux, Cindy always present though far away, my most constant and faithful translator, Zohreh, Samira, Jihad and his family, Yves, Manu, Bettina, Evelyne Coco; Cheryl who wrote me such a touching letter included in a note within this account; Leila my niece and my daughter, Amel, my Tunisian friend ever present in my heart; and so many women from WIF (Women in French) who wrote me to support me and send donations; and NCC (New Covenant Church in Champaign), with their prayers and donations; my sister Jacqueline and her husband Fawzi holding me in constant prayer; my editors in Australia, Spinifex and my editors at L’Harmattan, so touching in their supportive messages; my cousin Nicole and her girlfriend Alexandra who came from Switzerland especially to help…how can I name you all?
How can one not forget a single name when they are so numerous? How can one let any link slip from this chain of friendship across the world, this connection that may allow for humanity’s very survival.
[1] « Risk is proof par excellence of courage and freedom. » In homage to Anne Dufourmantelle, from her beautiful interview on « L’Eloge du risque »: https://www.femmeactuelle.fr/sante/psycho/anne-dufourmantelle-eloge-du-risque-dignite-courage-hommage-2048822 Inspired, inspiring, beloved and loving, that’s saying too little about Anne Dufourmantelle. Philosopher and psychoanalyst, she died on July 21, 2017, while saving some children from drowning, had, in addition, the rare gift of pairing action with the elegance of her speech. When she published Eloge du risque [Manuels Payot], the journalist Danièle Laufer wrote this beautiful interview for the magazine Prima.
[2] Dear Evelyne,
It was 1:37 p.m. my time and thus 8:37 p.m. in Beirut when Barbara finally picked up the phone.
“The explosion just happened, right?” I ask her.
“Of course not,” she tells me. It’s been over two hours already.”
I found out on Facebook that there had been an explosion. Just one single word posted on the wall of a friend: “Beirut.” No other details. I knew it wouldn’t be difficult, however, to find out more online. In any case, I didn’t panic right away because I thought that you were probably at your house in the mountains. Taking into account what Barbara had just told me, it made me start to think. It’s been over two hours already.
I know you to be an extremely efficient and passionate communicator. But I told myself that because of the latest economic crisis in Lebanon, you probably didn’t have internet in the mountains. I tried calling other friends in Beirut; everyone had internet. I looked at your own Facebook page. I sent you a message on Whatsapp. Nothing. Strange. I had called at least ten friends in Lebanon and I reached every single one of them—except you. If everyone else had been without internet, I wouldn’t have given it a second thought. But you were the only one. Maybe you were at your sister Jacqueline’s house ? I know that her home is closer to the port than your place in the mountains.
More time went by. Still nothing. I sent a text message to our friend, Monique :
“Do you have news from Evelyne? There was an enormous explosion in Beirut—enormous! » But Monique didn’t know anything about it. She had gone on a bike ride with Jean-Pierre and just returned.
“Turn on your TV, Monique.”
And that’s when Monique tells me that your apartment is near the port.
“No way, Monique. She never told me anything about the port being close to her place.”
“Oh yes, it is,” Monique says convincingly. “She even showed me photos of her place there and the view from the port.”
No messages from you, nothing on Facebook, you’re still not answering your phone. Complete silence. And the silence is deafening…as deafening as the explosion that almost killed you.
Panic…something is really wrong. I remember that you told me that you even had redone your will before leaving for Beirut. You were afraid you would never come back. I told you not to talk like that. You had already taken a million trips to Beirut…nothing ever had happened to you. You’ve never talked like this before. Why was it different for this trip? The tension was mounting…these words, your absence, your silence…had you predicted this? Finally, I was overcome with anxiety: Was Evelyne trying to tell me something and I just completely blew it off? But we had been laughing about it together…or maybe I was the only one laughing. Deep inside, I hadn’t taken your words seriously enough. Why didn’t it occur to me that you were trying to tell me something?
An hour or two later. Still nothing. Monique confirms that her messages also were going unanswered. Everyone I knew in Beirut was unaccounted for…except for you. Monique and I decided to look at the Facebook pages of your family members. Actually, I had to do that for us since Monique isn’t on Facebook…that was the one time at least that she regretted this decision, I swear.
And there it was on your sister-in-law’s page. It was confirmed. You were hurt….but how badly? I took some photos of the Facebook images and sent them to Monique on Whatsapp… I didn’t want to discover this all by myself. Monique and I started to freak out because your sister-in-law, Merri Teresa, and your brother Philippe were there, freaking out on Facebook. But the one detail that Monique and I were looking for was missing. We thought it looked pretty bad however. Were you still alive? That was too difficult to ask out loud. I couldn’t even say those words…. Monique couldn’t either. But we knew what the other was thinking. I wrote to Merri Teresa on Messenger. She replied right away actually, but she said that your nephew, Daniel, had taken you to the hospital but they hadn’t had any more news for hours now. For hours….
Monique didn’t want to talk about it anymore…. if we refused to talk about it, that means it couldn’t really be true. It was a way of avoiding reality. She insisted—we weren’t going to keep talking about this. She even got a little annoyed. But I knew that she was thinking of it non-stop.
This couldn’t be happening. Shit.
Each hour for seemingly hours on end, I wrote you a sentence or two on Whatsapp…but the messages continued to go unanswered. I didn’t necessarily need a long response from you…it would have been fine, in fact, if I could have just seen those little blue arrows on Whatsapp, the proof that you were at least reading your messages. That would have been some kind of sign of life, at least. That’s all that I was asking for. But nothing. No blue arrows on any of the messages.
Our friend, Adjéra contacted me. Kristin Lems too…. But I had absolutely nothing to confirm for them.
Did we really lose you? In a flash ? Without even having one last chance to tell you how much we love you, after wasting I don’t know how many years now looking for the right word to communicate to you how much you mean to me, how much you mean to us? Just one word, or many words perhaps that I never managed to find?
Our relationship was deep, I told myself, and I was sincere. There had been ups and downs, just like for any true friendship…we had overcome so many obstacles, and we had celebrated so many things…we lived through so much together over the years, and often with a lot of intensity. Recently, I had forgotten to tell you all these things that had been coming to my mind…for so many years….and yet, one can’t take friendship for granted. But me too, I’ve gotten older. I’m no longer 25, the age I was when we met for the first time. I forget these things…even if it’s not intentional. Everything can wait until tomorrow or it’s always on my list of things to do. Everything is so complicated.
I’m not a religious person but in this moment of desperation, I asked our friend, Madeleine, and even the love of your life, Paul, to step in and help—wherever they were in the universe now. Surely one or both of them knew where you were and they knew you didn’t want to leave this earth yet and certainly not like this. Maybe they could help? Then I tried speaking directly to you “wherever you were in the universe.” Certainly there were others just like me, trying to communicate telepathically with you to tell you to hang on…and if you had already left us, we were asking you to come back. I wrote to Merri Teresa one last time, but she didn’t answer. It was late in Beirut, after all.
And then finally…at midnight my time, 7 a.m. in Beirut…finally three photos of you and a few reassuring words and each word was worth its weight in gold considering the context. Two of the photos showed me the severity of your injuries but one photo especially captured that spark in you, in spite of you being covered in blood, in spite of your shock and fatigue. I’m talking about the photo of you and your nephew, Martin. You really look young in that photo…yes, I’m saying you look young. I was surprised myself. They say such a tragedy ages a person…but I swear to you, look at this photo again and you’ll see right away what I am talking about. A certain beauty, a spark coming from an immense victory. I mean it—that’s what comes through. You even have a faint smile after all that…not a smile of happiness but of true defiance. You defeated death and much more than that…. I contacted everyone, even at that late hour (or early hour, depending where one was).
“Evelyne is alive.”
Now, it’s our turn–your friends. We have some pretty high standards to live up to. It’s not our place to ask you to repeat this horror story for the thousandth time to us. You don’t owe us any of the details of what you went through that early evening of the 4th of August at 6:07 p.m. in Beirut. But we will be there to help you get through this nightmare…and yes, we will be there to listen to you and you can tell us anything you want. You owe us nothing more than that. We will always be there to listen, simply because we love you. But with every day that goes by, I see that you are already on the road to recovery. All the same…when the bad memories are too heavy to carry alone, or when rage boils up inside of you, we are there to listen to you, to support you.
Four days later, you’ve been posting links for those who wish to send help to Lebanon. You are helping activist, Tracy Chamoun, the current ambassador to Amman, to write a speech for the nation…as if you were completely healed. I know that no one can recover so quickly from something like this and I certainly don’t want to diminish or simplify what has happened, but you have truly emerged from the ashes. A palpable anger is present all over Beirut; this is certainly the fundamental reason why you are still here with us now…it’s only just the beginning.
With all my love,
Cheryl
Cheryl Toman
[3] https://www.babelio.com/livres/Dufourmantelle-loge-du-risque/253675