MÉMOIRE : « Réflexions sur la guerre du Golfe ». Par Paul Vieille.

1/ Remarque préliminaire
2/ Militarisation comme entrée dans la modernité
3/ Pourquoi les masses arabes sont-elles favorables à Saddam?
4/ Le problème de la guerre aujourd’hui.
5/ Alternative
6/ Revue Etudes Palestiniennes, N° 39, Débat.

1/ Remarque préliminaire
Je refuse d’entrer dans l’alternative que l’on voudrait m’imposer et imposer à chacun de nous : choisir un camp. Choisir son camp c’est entrer dans une logique de guerre, c’est donc contradictoire avec le choix de la paix. L’Occident porte en lui une logique de guerre, la guerre est inscrite dans sa morale de la concurrence, de la compétition, du refus et de l’élimination de l’autre. L’Occident seul ? Certainement pas ; la guerre d’ailleurs est plus ancienne, très ancienne, sinon universelle. Mais l’Occident qui se réclame de l’idée de progrès, n’a rien change dans ce domaine ; la notion de progrès, il l’a appliquée au perfectionnement des instruments de guerre, de destruction. L’Irak a choisi la même voie. La destruction de l’un des protagonistes est des lors inscrite comme une nécessite dans l’histoire.

Condamner aujourd’hui la guerre, alors que l’on a rien fait pour réduire ce qui y conduisait, que d’un cote on ne lutte pas contre les complexes industrialo-militaires de l’Occident, que, de l’autre, l’on ne s’est élevé ni contre la guerre que l’Irak avait engage contre l’Iran, ni contre l’utilisation d’armes de destruction massives par l’Irak dans cette guerre ou dans la répression contre les kurdes est dérisoire.

Lutter contre la guerre c’est d’abord lutter contre la logique de guerre qui traverse nos sociétés. Cette lutte et la lutte contre l’injustice du monde qui est une forme de guerre, ne peuvent être que des luttes non-violentes. Non participation à la violence, combat sans espoir ? Il n’y a aujourd’hui pas d’autre perspective.

Le manichéisme qui s’est développé en Occident et dans les pays arabes est une logique de guerre. Avec la guerre, les positions ont tendu à se radicaliser. En France, par exemple, du côté de l’establishment, on a assisté à une vague que l’on ne peut que qualifier de raciste, à la diabolisation des arabes et de Saddam Hussein en particulier. Lorsqu’on tente d’expliquer la position des masses arabes en faveur de Saddam, et que l’on évoque l’humiliation, le sentiment de revanche de peuples qui sont depuis des décennies humiliés par la politique occidentale favorable à un Israël qui refuse d’appliquer les décisions des Nations Unies, qui occupent la Palestine au prix de souffrances qui n’en finissent pas, etc., des gens mêmes qui avaient été favorables aux luttes nationales arabes, se ferment, refusent d’admettre, arguent de leur appui passé pour refuser de comprendre et donner des leçons aujourd’hui. Chacun, par ailleurs, considère comme normal que l’Occident ait utilisé l’Irak pour contrer l’expansion de l’Iran révolutionnaire, et se retourne contre lui aujourd’hui.

Le processus est symétrique du côté des arabes ; tous les torts sont renvoyés à l’Occident et particulièrement aux Etats-Unis. Si Saddam, par exemple, a envahi le Koweït, c’est qu’il y a été poussé par les États-Unis qui lui ont tendu un piège. On oublie de considérer que celui qui s’est fait piéger est aussi responsable ; d’autant qu’il s’était laissé piéger une première fois dans la guerre avec l’Iran. Si l’on prétend que la voie de l’armement et de la violence choisie par Saddam n’est pas une voie possible, on rétorque qu’Israël a suivi la même voie sans que l’Occident désapprouve. Pourquoi demanderait-on aux arabes de ne pas faire ce que font les puissances ?

Le retournement de l’Occident contre l’Irak que ce même Occident avait armé est ressenti comme une injustice. On ne tient aucun compte de la dictature de Saddam, des moyens qu’il a utilisé contre les minorités de son pays, contre ses opposants, contre la population du Koweït, etc. Toutes les responsabilités sont renvoyées à l’Occident, comme si l’Irak de Saddam avait été un pays entièrement passif, hétéronome, etc. Ici aussi, on raisonne en termes de nous (arabes) et eux (occidentaux) pour diaboliser l’autre ; on fait de l’Occident un bloc homogène ; on demande à l’occidental qui cherche à se désolidariser du bellicisme, de s’aligner sur une position manichéiste « arabe » ; ce qu’il ne peut pas faire.

Cette position je la refuse, malgré la guerre. Il faut malgré tout chercher à comprendre et, si la guerre n’a pu être évitée, au moins, faut-il tenter de préparer la paix, au moins un avenir qui ne renouvelle pas le passe.

Finalement, je dois remarquer que les masses arabes de France ont refuse de choisir leur camp. Si l’on excepte une faible minorité, elles n’ont pas pris une position favorable a Saddam Hussein par crainte d’une rupture irrémédiable entre communautés culturelles dans la société d’immigration. Le conflit et la crainte de la rupture ont, au contraire, provoqué au dialogue. Le choix passionne pour Saddam n’est donc pas inscrit dans une sorte d’essence arabe. Le déchaînement de la passion est liée au vide du politique. Si aucune direction n’est proposée par les gouvernants, ou par les intellectuels, si aucune position concrète n’est balisée, il ne reste que la passion aveugle, le mouvement de foule, à la fois puissant pour la démonstration à soi-même de ce que l’on est et impuissant vis-à-vis de l’autre qui n’est pas là.

2/ Militarisation comme entrée dans la modernité
La militarisation irakienne peut être analysée comme tentative pour des peuples qui ont été exclus des privilèges de la modernité d’y entrer par la violence. Cette tentative pose plusieurs questions : y a-t-il d’autres voies d’entrée dans la modernité ? Celle que l’Irak a choisie avec Saddam Hussein est-elle une voie possible ? Pourquoi l’Irak a-t-il choisi cette voie ?

Caractérisation de cette voie
La voie irakienne est une voie mimétique poussée à l’extrême ; il ne s’agit pas seulement de s’industrialiser, de se développer selon les voies de l’occident, en empruntant à l’Occident ses techniques productives comme l’ont fait par exemple l’Iran impérial ou l’Algérie populiste de Boumédiène, mais, davantage, de s’armer à la façon de l’Occident et avec des armes occidentales pour s’affirmer face à l’Occident. L’Irak a ainsi constitue avec l’aide de l’Occident un énorme appareil militaire, le quatrième au monde, dit-on.
L’imitation a réussi au Japon, au delà de toute espérance ; pourquoi ne réussirait-elle pas à d’autres peuples dans le monde ? Pourquoi ne réussirait-elle pas sous sa forme militaire ? Rien ne garantit l’échec. Pourtant celui-ci est probable. Pourquoi ?

1/ La société technique et scientifique n’est pas un avoir, c’est un devenir, un processus, un long processus historique qui a transformé en même temps que la production et les techniques de production, la société et les individus qui la constituent. Et c’est un processus qui se poursuit sans cesse, sans savoir d’ailleurs exactement où il va. En d’autres termes, l’Occident, ce n’est pas seulement un appareil productif, des sciences et des techniques, c’est une civilisation, une anti-culture ont dit certains, dans la mesure ou cette civilisation technico-scientifique est analytique, décompose le monde comme totalité, et suppose donc la ruine des anciennes cultures qui concevaient le monde comme un ensemble dont l’homme faisait partie intégrante. L’Occident fait table rase du passé dans toutes ses dimensions pour le remplacer universellement par la connaissance rationnelle, par la transformation de la nature, l’esprit d’efficience et de compétition. Dès lors, acheter par exemple des usines ou des armes à l’Occident est de faible intérêt, si on ne dispose pas de l’appareil humain pour les mettre en œuvre, et si, par ailleurs, on n’est pas en mesure de les renouveler et améliorer constamment. A défaut, usines et armements tombent en désuétude aussitôt qu’ils ont été acquis, ou même avant puisque l’Occident tente toujours d’écouler sur les marchés tiers, c’est à dire animés par des agents qui ne sont pas au fait des dernières techniques, des matériels en voie d’être périmés. Le Japon a réussi non pas en achetant les techniques ou les produits de l’industrie occidentale, mais en les reconstituant pour son propre compte.

2/ Copier aujourd’hui l’Occident est beaucoup plus difficile que par le passé, parce que la civilisation scientifique et technique a accumulé une somme de connaissances et de techniques considérable, et que cette accumulation n’est pas une marchandise qui peut s’acquérir ou se créer par la simple décision de dirigeants, c’est un savoir accumulé dans des individus et une société. La quantité de savoir scientifique et technique qu’incluent la plupart, les produits de l’industrie moderne, biens de production, biens de consommation, biens de destruction, ne peut se rentabiliser qu’à l’échelle d’un marché mondial. La civilisation scientifique et technique dans sa situation avancée actuelle est liée à l’extension des firmes multinationales. L’entrée dans la compétition est donc particulièrement difficile.

3/ Le développement des grandes sociétés industrielles, c’est-à-dire des sociétés occidentales, s’est appuyé à la fois sur l’esprit d’épargne, d’économie des classes dirigeantes, sur la compression à l’extrême du pouvoir d’achat des classes laborieuses, et sur l’échange inégal avec les pays ou contrées non industrialisées. Un immense surplus était ainsi disponible pour l’investissement. Aujourd’hui, l’Occident diffuse à l’échelle de l’univers l’idéologie de la consommation. Les peuples résistent fort mal à cette idéologie qui s’appuie sur les valeurs de bien-être, de bonheur, de satisfaction immédiate des désirs. Ainsi même des pays qui jouissent de ce qu’on appelle des revenus exceptionnels, comme les revenus pétroliers, qui sont en fait le produit d’un désinvestissement, tendent à consommer ces revenus plus qu’à les rendre productifs, ou à rendre productif un investissement industriel qui a été réalisé. C’est ce qui est arrivé à l’Iran du Chah, et à l’Algérie d’après l’indépendance. Mais cela arrive aussi à des nations dont les revenus extérieurs sont relativement plus faibles, une petite partie de la population, celle qui a pris la charge du développement, la bureaucratie, se tourne en réalité vers la consommation.

Saddam Hussein a tenté de conjuguer l’industrialisation et l’armement, mais il n’a pas réussi, semble-t-il a créer une société industrielle ; bien au contraire, il a appuyé sa dictature sur la consommation ; il n’a donc pu se libérer de la dépendance des marchés occidentaux tout autant pour fournir la consommation intérieure que l’effort de guerre. D’où son extrême fragilité.

Quelle que soit l’issue de la confrontation actuelle, on peut se demander si la réussite de la voie choisie par Saddam Hussein pourrait ouvrir une alternative à la crise du monde, de ce monde dominé par une organisation économique et sociale qui exclut une partie, la plus importante, des peuples du monde, et laisse subsister des injustices comme celle de la Palestine. La réponse est, je le crains, négative, pour cette raison essentielle qu’il ne s’agit pas en réalité d’une alternative. La voie est mimétique de celle de l’Occident, en même temps que la répétition d’un passé immémorial de recherche de l’imperium par la violence. L’imperium est aujourd’hui dans les mains des nations occidentales.

Il est contradictoire de construire un instrument militaire qui menace la domination actuelle du monde, et de protester contre la violence réactive du dominant. Il n’est que trop normal que les appareils des Etats-nations actuellement dominants s’opposent aux désirs de reconstitution de l’unité du monde arabo-musulman, refusent de céder une part de ce qu’ils dominent et particulièrement ces territoires pétrolifères dont les pays arabes sont riches. Il ne s’agit pas seulement des appareils des Etats-nations dominants d’ailleurs. Ils sont soutenus par une fraction plus ou moins importante, mais en tous cas non négligeable de leur opinion : l’unité des pays musulmans ferait peser une menace considérable sur les prix du pétrole, dont le bon marché a été au cours des dernières décennies l’un des facteurs de la croissance et du bien-être des pays industrialisés. La guerre n’est donc pas seulement une guerre d’appareils d’Etat. Elle est bien en un certain sens une guerre Nord-Sud, mais dans le sens d’un imperium du Nord existant contre un imperium potentiel du Sud.

3/ Pourquoi les masses arabes sont-elles favorables à Saddam ?
Pourquoi les masses arabes qui font partie des exclus ont-elles massivement pris fait et cause pour Saddam Hussein ?

Le sentiment d’humiliation


L’humiliation et le désir de revanche. Le désir de respect de dignité de peuples qui sont aux frontières de l’Occident et qui en sont exclues, qui ont constamment été mêlées à son histoire, ont le même passé culturel et le même Dieu, et cependant sont rejetées. Mais pourquoi le désir de revanche s’investit dans la violence ? Le sentiment d’une supériorité de l’homme arabe sur les autres. Les arabes le peuple de Dieu. Exclusion des autres ; le retournement de l’exclusion qui s’appuie sur la mobilisation d’un passé prestigieux.

Le désir de justice

Il y a une injustice a l’égard du peuple arabe; inégalité de traitement entre les arabes et Israël. On permet à d’autres ce que l’on refuse aux arabes. Toute l’affaire prend la tournure d’une volonté de briser le développement arabe, d’une vengeance exercée contre les arabes.
Toutes les nations développées disposent d’un complexe militaro-industriel, pourquoi l’Occident n’accepte-t-il pas que L’Irak en possède un (Mitterrand : « Il faut briser le complexe militaro-industriel de l’Irak ») ? Il s’agit donc d’empêcher qu’apparaisse une nation arabe forte.

Ces revendications, ces récriminations se réfèrent à un droit qui serait naturel, celui de toutes les nations à disposer d’instruments de violence. Ce droit malheureusement, mais de façon trop compréhensible, n’est pas reconnu par les nations dominantes. Le droit aux instruments de violence est limite par les conditions dans lesquelles l’usage de ces instruments peut être utilise, dans le cadre de la domination occidentale aujourd’hui, comme de la domination bipolaire hier. Ainsi, pourquoi l’Occident a-t-il accepté la militarisation de l’Iran du Chah, était-il prêt à en faire le gendarme du Golfe, acceptait-il plus ou moins de le voir se doter de l’arme nucléaire, et pourquoi refuse-t-il cela à l’Irak ? L’Occident sans doute n’acceptait la militarisation de l’Iran tout comme il a accepté un peu plus tard la militarisation de l’Irak, parce que cette militarisation entrait dans le cadre de sa propre domination, était un relais de sa domination. En somme le grand péché de l’Irak ce n’est pas la militarisation elle-même, mais le fait qu’il ait cherché à la jouer pour son propre compte; serait-il demeuré dans les limites que l’Occident lui assignait, jouant avec l’Occident, avec ces limites, sans doute aurait-il pu rester en place. Mais il a inquiété d’autres protégés de l’Occident, le Koweït, les émirats, l’Arabie Saoudite, Israël, la Turquie.
L’appel à un droit naturel s’adresserait donc davantage à l’opinion, à l’opinion occidentale notamment. Mais il est mal venu pour défendre un régime qui justement a choisi non l’appel à la justice mais, d’abord, la violence sous toutes ses formes, pour tenter de s’affirmer sur la scène internationale, et pour lutter contre la contestation dont il est l’objet a l’intérieur. L’appel à la justice s’adresse à l’universalité des hommes, mais le bénéficiaire de la justice revendiquée n’est pas astreint au respect de règles universellement reçues du droit des gens. C’est pourquoi cet appel a la justice ne peut rencontrer qu’un faible écho.

L’identification a l’Occident
Les arabes ressentent davantage que d’autres l’injustice de leur situation, parce qu’ils se sentent très proches de l’Occident, et le sont effectivement. Au fond il y a pour eux une injustice de l’histoire de ne pas leur avoir donne ce qui a été donne a l’Occident, alors qu’ils ont le même Dieu et qu’au surplus, Dieu les a choisis pour sa dernière révélation.

Le « Nous » arabe
La solution arabe du conflit. Le désir d’unité et l’impossibilité de l’unité par une voie démocratique. La nécessité de la violence ou du charisme pour refaire l’unité. Le charisme : Nasser. La violence : Saddam.

Le nous arabe est celui de la communauté élue.
La guerre engagée contre Saddam est ressentie comme un règlement de compte avec l’ensemble du monde arabe, bien que le monde arabe soit effectivement divisé sur la question. Mais alors le monde arabe est identifié à ceux qui sont partisans de Saddam.
De même, il y a des choses qui ne devraient pas être dites pour ne pas desservir la cause arabe. Par exemple le statut des femmes. On peut critiquer les pouvoirs, l’injustice sociale, mais pas le statut fait à la femme. Parce que les pouvoirs, l’exploitation peuvent en fin de compte être renvoyés à l’Occident, peuvent être attribués à un extérieur, alors que ce n’est pas le cas pour le statut de la femme. Or, ce statut est-il étranger au choix de l’affrontement militaire ? Rien n’est moins certain ; la résistance non violente, la guérilla, la guerre urbaine telle que la guerre des pierres, suppose une participation de l’ensemble de la population. Alors que l’affrontement militaire est une affaire d’homme, une division des taches dans la société (la division : intérieur-privé-femmes / extérieur-politique-hommes), suppose une hiérarchie, suppose un combat d’homme à homme, un combat ou la bravoure, l’honneur se montrent. Voir Saddam provoquant les américains dans un combat d’homme à homme, les jugeant lâches parce que refusant au corps à corps.

Le problème de l’oumma, cf. l’article de Abderrhim Hafidi dans Golfe/ana.

Le rêve de l’Empire perdu
Alors que des peuples comme le peuple turque ou le peuple japonais ou le peuple allemand, ont appris que la violence était inutile, ne menait qu’à la destruction et que la lutte pour trouver une place dans le monde pouvait trouver d’autres voies au sein même de ce système, il semble que les peuples arabes vivent toujours avec le mythe du kalifat, de l’empire, voire de la conquête arabe du XIIIe siècle, qu’ils pourraient retrouver l’imperium par une sorte de renversement magique qui les ferait passer du statut de dominés à celui de dominants.
Pourquoi pensent-ils à propos de Saddam, la construction d’un appareil militaire puissant, la violence, la guerre ne serait-elle pas légitime pour les arabes, alors qu’elle l’est pour les puissances dominantes. Cette position est très symptomatique, il y a très profondément chez les arabes cette idée qu’ils sont tout autant qualifiés que l’Occident pour dominer le monde, que c’est leur droit de le faire ; il refusent le fait qu’ils ne sont plus dominants, et qu’en tant que dominés il faut trouver pour détruire la violence du dominant d’autres voies que ses propres armes. Dominés, ils vivent dans le rêve de la domination ; ils sont fantasmatiquement égaux à ceux qui les dominent. Saddam réveille un désir d’hégémonie.
Dans ces désirs d’imperium, il y a sans doute la mégalomanie de dirigeants, Khomeiny et Saddam Hussein, mais aussi le souvenir de la grandeur de l’islam, le désir de reconstituer l’unité du monde musulman qui a été morcelé par le partage colonial. Ce désir existait aussi dans l’Iran révolutionnaire ; Khomeiny promettait au jeunes révolutionnaires la domination d’abord du Proche-Orient, et ensuite celle du monde. reconstituer un empire, reconstituer le califat, l’Empire ottoman qui a été démantelé par la Première Guerre mondiale.

Le fantasme mortifère
La notion de génocide est constamment présente dans le discours arabe au cours des années actuelles. Le génocide aurait été perpétré par la colonisation française, et par la France au cours de la guerre de libération, par Israël, par les Etats-Unis aujourd’hui. Sans nier des faits suffisamment terribles, on ne peut toutefois accepter l’application de cette notion dans les différentes circonstances où elle est employée. Cette différence entre le discours et les faits dont il prétend rendre compte, attire l’attention sur les sentiments de mort qui traversent les masses arabes dans la période actuelle. La perte de sens de l’existence, l’absence de perspective d’avenir, le désespoir de la situation présente, l’absence d’intellectuels et de direction, ouvrent la voie à un sentiment de fin du monde, à des sentiments mortifères, à un désir de mort, de martyre ou de suicide collectif.

Tout détruire est un fantasme fréquent chez les hommes arabes, détruire Beyrouth, détruire les villes, etc. Comme si seul un holocauste pouvait ou les reconduire au passe, ou les libérer du passe. Tout détruire, c’est faire table rase du présent, du malaise du présent. Ce fantasme peut provenir du sentiment que le mal est en soi, un mal que l’on n’arrive pas a surmonter, à maîtriser et à vaincre, que l’on ne parvient pas à se résoudre à utiliser des moyens de lutte qui seraient appropriés. Mais ce que l’on veut détruire, ou voir détruire c’est, il faut le souligner, la ville qui est représentée comme féminine (cf. Evelyne Accad). Pourquoi ? Parce que la ville est peut être le lieu privilégié de cette culture de masse qui provient de l’Occident et qui touche d’abord la ville et la femme. La ville, lieu des masses et lieu des libertés, lieu par ou pénètre la libération venant d’Occident et qui atteint d’abord ceux qui sont infériorisés dans la société, ceux qui n’appartiennent pas au monde politique, au monde de la culture (arabo-islamique), c’est-à-dire les femmes.

Ou bien « l’attente d’une apocalypse rédemptrice » dont parle Morin dans Le Monde (28 Février), qui n’étant plus le rêve de l’Occident (le salut par la révolution), ressurgit dans les fondamentalistes.

La prise de position passionnée des masses arabes en faveur de Saddam Hussein, peut être en relation avec ce fantasme mortifère. La défaite prévisible de Saddam, renouvellera les sentiments d’impuissance et de déréliction des peuples arabes.

Le mouvement de foule passionne
Utilité de ces grands mouvements de foule, de ces appels à la passion des foules, de ces cris ? Ils n’ont guère d’effet sur les adversaires qui de toutes façons ne sont pas là, qui les tiennent seulement comme des indicateurs d’opinion. Beaucoup plus efficace serait une organisation, l’organisation de la guérilla par exemple, dont on a eu tout de même des exemples dans le monde arabe même. Alors procédé de direction, procédé de l’hégémonie : pour les dirigeants moyens facile de se dédouaner, de se montrer plus actif que quiconque, de mériter ainsi le rôle de dirigeant ? Alors que c’est lâcheté que d’exploiter les passions des masses sans leur donner les moyens de poursuivre les buts qu’elles s’assignent. On retrouve ici l’absence des intellectuels, leur incapacité à jouer un rôle, dans une direction dialectiquement liée aux aspirations des masses.

4/ Le problème de la guerre aujourd’hui.

La guerre était-elle évitable ?
Pour répondre à cette question je ne partirai pas d’une position morale ; je tenterai davantage de comprendre les conditions dans les quelles la guerre est devenue un fait.
Je partirai de la formule de Klauzevitz : « La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ». C’est un axiome de la real politik, du calcul politique, du calcul froid ; si la guerre mobilise nécessairement les passions des peuples, le politique Klauzevitzien utilise autant ces passions que les armes pour parvenir à ses fins lorsque les autres moyens politiques lui paraissent inefficaces ou épuisés. Pour Klauzevitz donc la guerre est une action de nature politique comme une autre même si ses moyens diffèrent, une action politique dont la décision est sujette à un jugement d’opportunité, de relativité.
Restons dans la perspective de Klauzevitz et posons nous la question de l’utilisation de la guerre comme moyen politique aujourd’hui. Considérons le cas limite, celui de l’éventualité d’une guerre entre les deux grandes puissances mondiales, qui serait presque certainement une guerre nucléaire, et entraînerait presque certainement la destruction de l’humanité. Il est manifeste qu’une telle guerre n’aurait plus de sens dans la perspective klauzevitsienne, et qu’il serait préférable d’accepter la paix à n’importe quel prix, même au prix d’un asservissement généralisé à un pouvoir totalitaire ; parce que nous pouvons estimer que, quelle que soit la violence de cette dictature, nous en viendrions à bout par d’autres moyens, dans un espace de temps plus ou moins long, mais qu’ainsi nous sauvegarderions les chances de survie de l’humanité.

Dans le cas de la confrontation avec l’Irak, comment se pose le problème en termes klauzevitzien, c’est-à- dire en considérant la guerre comme instrument politique relatif ? Je ne peux apporter de réponse directe, mais seulement poser des questions dont les réponses nous feraient éventuellement progresser.

(i) Le régime irakien est-il une dictature, a-t-il une visée hégémonique, qui cette visée hégémonique éventuelle menace-t-elle ? A ces premières questions, nous pouvons répondre par l’affirmative. Une volonté de domination, de conquête bien affirmée existe chez Saddam. Lorsque Saddam Hussein entre en guerre contre l’Iran en 198 , ce n’est pas seulement qu’il y est poussé par l’Arabie Saoudite, peut-être les Etats-Unis, voire par d’autres nations occidentales, c’est aussi qu’il désire s’approprier les champs pétrolifères du Sud-Est iranien et ainsi accroître sa richesse et sa puissance. Il pense que les armées iraniennes sont totalement désorganisées par la révolution et la proie facile. Dès cette époque les nations occidentales savent que Saddam Hussein est un dictateur et un aventurier mais il leur apparaît comme un excellent instrument pour s’opposer à la révolution iranienne.
Ayant échoué du côté de l’Iran, Saddam se retourne du côté du Koweït, mais ses ambitions sont beaucoup plus vastes : l’Arabie Saoudite, Israël, puis la Turquie, ensuite….

(ii) Y avait-il d’autres moyens politiques que la guerre pour combattre l’éventuelle menace de l’Irak ? L’embargo aurait-il pu être efficace ? La réponse n’est pas facile, parce que nous manquons d’informations. Les obstacles a l’efficacité de l’embargo sont de plusieurs ordres. Comment des sociétés marchandes peuvent-elles demeurer indifférentes aux possibilités de profit considérables que fait apparaître une situation d’embargo ? Avant que l’embargo soit efficace, Saddam n’eut-il pas dispose de l’arme atomique et donc d’une possibilité de chantage? La guerre n’était-elle pas inéluctable a plus ou moins brève échéance en raison même des visées d’expansion de Saddam. La solution du conflit israélo-palestinien n’aurait-elle pas privé Saddam de l’appel qu’il exerce sur les masses arabes et donc du soutien qu’il trouve auprès d’elles ?

(iii) La confrontation militaire avec l’Irak peut-elle, en elle-même avoir des conséquences désastreuses pour l’humanité ? La réponse a première vue est négative; mais que se passera-t-il si l’Irak utilise des armes chimiques et biologiques par exemple ? Nous savons la réponse, la menace de la part d’Israël au moins d’utiliser les armes atomiques. Par ailleurs les risques d’une pollution généralisée du Golfe par le pétrole existe, il est déjà présent ; et semble-t-il, il n’est pas certain que l’Irak en soit responsable.

(iv) La confrontation militaire avec l’Irak peut-elle dégénérer en un conflit mondial qui lui, certainement, aurait des conséquences désastreuses pour l’humanité toute entière? Dans l’immédiat, la réponse apparait comme négative; il est évident que l’URSS avait intérèt a voir les EU s’engager dans une guerre qui les affaiblirait. Mais a plus long terme, l’URSS ne pourrait-elle pas être tentée pour résoudre ses difficultés intérieurs de se lancer dans une aventure militaire?

(v) Si l’on considère que, dans tous les cas, la guerre devait être évitée, et devrait être arrêtée, parce que de toutes façons, la guerre est un moyen politique à exclure, quelles sont les suites logiques de ce choix, et de quels autres moyens politiques disposons-nous pour contrer la dictature et la visée hégémonique éventuelles du régime irakien? Quelle peut être l’alternative?

La production de la guerre aujourd’hui
1/ La guerre, aujourd’hui, met en œuvre des armements sophistiqués, qu’ils soient des armements de destruction à objectifs précis ou des armements de destruction massive. Or la production d’armements n’a pas seulement pour objet la défense et/ou l’imperium du pays qui les produit, il a aussi pour objet le commerce, c’est-à-dire non seulement le profit, mais aussi le chiffre d’affaires grâce auquel vit une partie de la population des pays producteurs d’armement. Au cours des dernières décennies beaucoup d’Etats-nations ont cherché à maintenir un certain équilibre d’armement avec les Etats-nations voisins de façon à les dissuader de régler les différents qui les opposaient par la violence. Cette concurrence dans l’armement a été très profitable aux nations industrialisées. Ils l’ont aiguisée. La crise économique a engendre une escalade de l’armement : les tensions internationales s’accroissent en temps de crise, les pays industriels satisfont les demandes de toutes les parties et poussent à la demande d’armements pour améliorer les termes de leur balance commerciale. Il était inévitable que certains Etats dans des conditions particulières tentent d’utiliser les armements acquis pour dominer, conquérir d’autres Etats, ou des territoires appartenant à d’autres Etats.

Plus exactement, les complexes industrialo-militaires donnent lieu à deux logiques, une logique politique qui tend à sélectionner les demandes en fonction d’objectifs politiques, c’est -à-dire à privilégier le marché national et les marchés des pays alliés, et une logique marchande qui tend à prendre plus d’importance dans les temps de crise : cas des EU et de l’URSS mais aussi de la France et d’autres moyennes puissances. Ainsi, la guerre Iran-Irak aurait pu être arrêté sans la logique marchande, puisqu’aucun des deux pays ne produit d’armes sophistiquée.

2/ Un pays comme l’Irak dispose aujourd’hui d’armements sophistiqués, mais il ne disposait pas par lui-même de la capacité scientifique et technique de les produire. Cette capacité, il l’a acquise sur les marchés occidentaux : marchés contrôlés par les Etats, marchés des firmes privées, et marché du travail en ce qui concerne l’ingénierie qui permet à ses usines d’armement de fonctionner et éventuellement d’innover. Notamment les usines produisant du matériel pour la guerre chimique et bactériologique, ont été construites et fournies en produits primaires par certains des pays occidentaux.

3/ Les pays industrialisés ne portent certes pas la responsabilité des visées hégémoniques irakiennes, ni celle de l’utilisation d’armes de destruction particulièrement atroces comme les gaz, mais elles portent la responsabilité de la construction de la puissance militaire irakienne. Ce n’est pas seulement les Etats qui portent cette responsabilité mais aussi les populations qui ont accepté que leur bien-être soit financé par des ventes d’armes, et des individus et des firmes qui ont accepté de vendre expertise et produits dont ils connaissaient l’usage qui pouvait en être fait. Nul mouvement d’opinion d’envergure ne s’est opposé dans ces nations à la production d’armements. La guerre actuelle est donc dans une large mesure une guerre occidentale; non pas une guerre de l’Occident contre un pays « d’Orient », mais une guerre de l’Occident contre lui même, qui oppose des armes occidentales a des armes occidentales, des intérêts occidentaux a des intérêts occidentaux, etc.

5/ Alternative
1/ Choisir la non-violence signifie-t-elle renoncer a la suppression des injustices, c’est-à-dire de la violence subie ? Certainement pas et la dernière manifestation de la non-violence, qui a réussi a renverser un régime inique est tout près de nous ; il s’agit de la révolution iranienne. Elle aurait d’ailleurs pu éteindre sa victoire. Au lendemain de la révolution iranienne, tout le Proche Orient était potentiellement déstabilisé, l’ensemble des pays arabes aurait pu être touche. Malheureusement, le régime sorti de la révolution, plutôt que de fonder son expansion sur la promesse de libération qu’elle portait en elle, a immédiatement utilisé la violence contre la minorité kurde qui réclamait son autonomie ; l’appel de la révolution s’est trouvé à partir de ce moment réduit à néant ou au moins singulièrement limite.

2/ Il existe des moyens alternatifs contre lesquels les superpuissances et la puissance militaire ne peuvent rien. Mais ces autres moyens sont incompatibles avec la dictature.

3/ Si nous souhaitons que des crises comme la crise actuelle soient à l’avenir évitées, il faut tirer de ces observations une conséquence générale: responsabiliser tous ceux qui à un titre ou à un autre tirent avantage de la production d’armement. Comment cette responsabilité pourrait entrer dans le système de droit international devrait faire l’objet d’une réflexion sérieuse ?

4/ Le chaos du monde, dans la définition que nous donnons au terme, c’est-à-dire la multiplication des zones de marginalité, représente des formes de résistance non-violentes à la violence dominante.

Note
Avec la guerre tous les appétits se réveillent : dépecer une nouvelle fois le monde arabe, Israël veut s’approprier les territoires occupés, la Turquie vise Mossoul, les pays occidentaux veulent conserver la maîtrise du pétrole, etc.
L’Occident pense d’ores et déjà à la reconstruction de l’Irak après l’avoir détruit, c’est-à-dire détruit ce que l’Occident a vendu à l’Irak.

Choisir
S’il s’agit de choisir entre deux dominations, celle réelle de l’impérialisme américain par exemple, et celle potentielle de Saddam Hussein par exemple, je choisis sans hésiter la première, pour plusieurs raisons.

Les Etats-Unis ont déjà utilisé la bombe atomique, il leur est difficile de recommencer. Saddam Hussein considère qu’un telle utilisation est légitime, ce qu’heureusement il ne peut encore faire, puisqu’il n’en aurait disposé, dit-on, qu’en 1992. L’une des raisons de l’intervention contre l’Irak est justement d’éviter qu’il en dispose.
Si bombe atomique il doit y avoir, je préfère qu’elle soit réservée à un Etat qui ne peut considérer son usage comme légitime, où l’atome a surtout une fonction de dissuasion.
Par ailleurs, un vieil impérialisme est préférable à un jeune. Il doit tenir compte de son opinion dans l’utilisation de la violence. Et un seule violence ou deux violences qui se contiennent mutuellement sont préférables à une violence éclatée.

6/ Revue Etudes Palestiniennes, N° 39, Débat.

– Azmy Bishara professeur de philosophie à Bir Zeit.
L’Occident post-moderne est cynique, il n’hésite pas à avouer ses intérêts. Au contraire chez les Arabes, il y a différence entre politique et idéologie, ce que l’on dit n’est pas toujours ce que l’on pense ou ce que l’on fait. Cependant SH a eu un comportement rationnel, comme Arafat, il pensait pouvoir impliquer les autres arabes, et diviser les puissances; mais il n’y a lus qu’une seule grande puissance. Le calcul était rationnel mais erroné. La plus grande erreur a été de se méprendre sur la technologie occidentale qui pose la question de la guerre dans des termes tout à fait nouveaux et ne permet plus à une nation secondaire de l’emporter (comme au temps du Viêt-Nam).

– Burhan Ghalioun.
Le comportement irakien et arabe dans la guerre ne relève pas de l’irrationalité ni d’erreurs d’appréciations, mais de la logique de Kerbala ; celui qui meurt au nom de la justice, ne saurait être vaincu. La guerre était perdue d’avance, tout était bloqué ; il n’y avait d’autre attitude que celle du témoignage.
La guerre n’est pas perdue par les arabes parce qu’ils ont été plus unis que jamais (le Maghreb s’est rapproché du Machrek, etc.), plus conscients que jamais. L’Occident devra faire des concessions.

– Kadhim Jihad, réfugié politique irakien, poète.
Les irakiens ne sont pas des citoyens, ils n’ont pas été consultés, ils ne pouvaient être des soldats. SH et ceux qui l’appuient n’avaient en rien une logique du témoignage ; ils n’ont pas hésité à sacrifier le peuple irakien.

– Joseph Samaha, journaliste libanais.
La stratégie tant militaire que politique de SH était érronée, il n’a pas su transformer une infériorité militaire en supériorité politique, profiter d’occasions qui n’ont pas manqué, de tourner la situation en sa faveur. L’Irak était parfaitement au courant des transformations dans le monde, mais sa stratégie politique a aidé les adversaires à se positionner symboliquement de façon favorable dans la confrontation. Ce n’est pas tant la technologie qui a vaincu l’Irak qu’une raison politique dépassée.

La démocratie ne peut connaître d’avancée parmi les arabes tant que des questions comme le prix du pétrole, la répartition des richesses, la Palestine, l’unité arabe, ne seront pas résolues. L’affaire du Golfe n’a fait que confirmer ces questions, mais n’a pu les faire avancer substantiellement. La plus grave question est que n’existe aucune alternative à l’Irak ; pas de force, de pensée, de projet. Et que la domination américaine sur la région ne rencontre désormais aucune contestation sérieuse.

– Fawaz Traboulsi, écrivain libanais.
Pour des raisons de stratégie planétaire, les EU étaient décidés à se défaire de la puissance Irakienne et on commis un crime caractérisé, mais SH n’a pas su profiter des divergences entre puissances dominantes.

Leçons de la guerre : une défaite militaire ne peut se transformer en victoire politique ; effondrement de la mentalité de la fantasia fondée sur le culte de la virilité et la vantardise ; un seul pays arabe a été incapable d’impliquer les autres dans la guerre, ce qui était au fond de la stratégie de SH.

La guerre des pierres, l’intifada, du fait qu’elle est sans armes, impose des restrictions à l’adversaire; son potentiel militaire devient inutile ; au contraire l’armée de SH était puissante bien qu’elle n’ait pas été utilisée, elle a conduit à la mise en place d’une super-armada contre laquelle elle n’a rien fait. La guerre était conçue par SH comme renversant magiquement le cours de l’histoire. Alors que tout avait été négligé au paravent : le véritable développement, la démocratie et les respect des droits de l’homme et du citoyen, l’unité arabe comme devenir commun pluraliste permettant de rallier tous les hommes minorités comprises. Il est vrai qu’il y a deux niveaux dans le monde arabe, celui de chaque pays et celui de la nation arabe toute entière, le second n’étant pas la somme des premiers ; mais il n’y a pas discontinuité entre l’un et l’autre ; la dictature intérieure n’a pas permis de comprendre comment se posaient les problèmes dans la nation arabe et conduit à une défaite qui l’atteint toute entière.

Farouk Mardam-Bey, REP.
SH comprenait très bien la nouvelle donne mondiale, mais il n’a pas su plier sa stratégie au nouveau contexte ; il n’est pas davantage allé jusqu’au bout de la logique du témoignage. Le mouvement arabe en faveur de l’Irak n’a rien à voir avec l’humiliation, avec un désir irrépressible d’affrontement avec l’Occident, c’est une manifestation de solidarité. Il fallait choisir son camp, on ne pouvait rester neutre. (PV : Pas du tout, choisir son camp renforçait la logique de l’affrontement dans une guerre perdue d’avance, conduisait SH à refuser le repli, etc. ; c’était une fausse attitude).

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