Attention à la peinture !

Par Anna Stein

Oui, attention peintres et amateurs, collectionneurs, galeristes !

Des artistes qui consacrent leur vie à la recherche et à la création, les amateurs qui désirent acquérir des œuvres, des galeristes qui  soutiennent les créateurs et mettent les œuvres d’art à la portée des collectionneurs savent-ils, que des marchands sans scrupule détruisent leur espace artistique en diffusant une production de tableaux faite en série, et fabriqué soit en France, mais surtout importées des pays de l’Est, l’Ukraine et l’Extrême- Orient.

Les toiles  exécutées en série, vendues en vrac dans des Salons professionnels, sont ensuite achetées par des « galeristes » qui se sont répandus autant à Paris, que dans des villes de province comme Honfleur, Dinard etc. Des peintures vendues en gros au prix de 160 Euros se retrouvent en galerie pour 1700 Euros., celles qui sont à 500 Euros pour 3000 Euros. Pour valoriser ces produits, des commissaires-priseurs sans scrupule les introduisent auprès des amateurs non avertis, dans des ventes publiques pour leur attribuer une cote fabriquée, soutenues par ces marchands. Si la nourriture a sa malbouffe, la peinture a ses croûtes, détruisant le paysage artistique, créant la confusion des valeurs. L’organisation  parfaite  de faux marchands avec des vendeurs expérimentés, soutenus par des banques qui  accordent avec facilité des crédits d’achats fonctionne à merveille. Les galeristes qui font un travail de recherche et de soutien, un véritable travail artistique, sont désavantagés et perdent du terrain. Les vrais peintres sont exclus du marché.  Les amateurs trompés, croyant d’avoir réalisé des achats de valeur, se retrouvent  avec des non-valeurs. Certains « galeristes » lancent des produits en série avec le slogan « l’Art pas cher pour tous ». Peintures à moins de 100 Euros, que les artistes réduits  en esclavage, produisent pour 20 Euros,

Mais ce n’est pas tout. Les pouvoirs publics -Ministère de la Culture, FRAC, DRAC, Affaires Culturelles de la Ville de Paris se sont désintéressés depuis  des décennies de tout ce qui est peinture et sculpture. Les acquisitions  se font uniquement dans les productions d’installations, photos, nouveaux médias. Les expositions dans les espaces leur appartenant ne sont plus attribuées aux salons professionnels, lesquels ne peuvent plus montrer des œuvres sélectionnées selon des critères du métier.

En revanche, des organisateurs de salons, lesquels sont en réalité des loueurs d’espace, foisonnent. En récupérant des phrases comme » la Liberté de la Création » et  « l’Art pour tous », ils  vendent  à qui peuvent payer des emplacements  pour exposer. Dans ces expositions, parfois même dans des espaces de prestige, se retrouve tout ce qui  bouge, dans un mélange bizarre : des diffuseurs des peintures en vrac, des artistes  débutants parfois prometteurs, des amateurs qui après quelques cours de peinture croient pouvoir s‘attribuer la place du créateur. Pour un visiteur non averti, il est presque impossible de s’y reconnaître. Il est  abusé et les artistes professionnels aussi. Ces derniers sont maintenant dans une sorte de no- Man’s land. Les vrais collectionneurs désertent  le marché de l’art, et cela devient un parcours du combattant de retrouver des créateurs de valeur. Pour achever la confusion, les organisateurs de ces « salons » s’entendent  avec des commissaires de ventes publiques pour introduire ces produits jusque dans les salles Drouot, pour leur créer des cotes.

On peut se poser la question sur le rôle des critiques d’art et des journalistes. Ils sont ravis d’écrire sur des grands évènements, ne remettant jamais en cause la politique culturelle officielle, se taisant sur la situation des artistes qui ont du mal à apparaître sur leurs pages. Quant à dénoncer ces  faux salons, sont-ils simplement au courant ?

On peut se poser la question de ce que nos descendants vont hériter dans une dizaine de décennies de cette époque ? Des croûtes sur les murs, et des  débris des achats publics dans les réserves  de l’État.

La France a toujours été  le pays d’art. Que va-t-il advenir de ses  artistes ?

Paris  2007                                         

Anna Stein

Suite :

7 ans sont passées, et la situation est toujours la même, et pire. Beaucoup de galeries d’art ont fermé, des salons de valeurs comme le Salon de Mai supprimé. D’autres comme le Salon d’Automne a tellement baissé de niveau que j’ai renoncé à y exposer.

Des tentatives pour créer de nouveaux évènements n’arrivent pas à percer faute de moyens et de compétence. Car il ne suffit plus de trouver des artistes, et une salle pour les y présenter, il faut beaucoup plus. Si la communication ne suit pas ou pas assez, le public des amateurs ne peut pas être averti et l’événement tombe à plat.

Les circuits des amateurs d’art se sont resserrés, d’énormes sommes entrent en jeu et tout le reste est en jachère. Tout ce qui est en dehors de la spéculation du marché n’a plus d’existence réelle.

Pour les artistes en dehors de ces circuits, c’est le parcours du combattant, soutenus par des amateurs de leurs réseaux. Des collectionneurs qui n’investissent pas pour autre chose que  pour le plaisir de posséder une œuvre d’art.

Mais la crise économique est aussi un facteur en défaveur pour les artistes, car dans la classe moyenne il y a toujours des personnes ayant le  désir d’acquérir, mais n’ont plus toujours la possibilité pour le faire.

Cependant, les fausses galeries et salons continuent à prendre du terrain, et j’ai constaté que certains artistes, qui avaient une production intéressante, se sont alignés sur les tendances commerciales, autant en peinture qu’en sculptures.

Au début, c’est surtout en France que j’ai constaté ces ravages. Mais au cours de mes expositions et voyages à l’étranger, (la Suisse, la Belgique, les EUA), j’ai vu se répandre le même problème partout et les abus concernant des artistes autant que les amateurs m’ont fait comprendre l’étendue du mal.

Ce qui est à craindre c’est l’implosion de notre métier. Car on ne peut éternellement maltraiter les créateurs, ni abuser une clientèle parmi laquelle il y a de moins en moins de moyens et de compétences.

Octobre 2014.

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