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Préface au Corps Epique de Astrid Gateau
Par Evelyne Accad
Astrid, entrée dans ma vie un matin d’automne à Beyrouth
Il est des rencontres qui portent au-dessus du temps
Qui vous font traverser les rivières, découvrir les villes
Astrid fut cette rencontre
Voix au bout du fil, organisatrices de An-Nahar pour la Foire du Livre.
J’y présentais mon livre “Voyages en Cancer”
–Accepteriez-vous un témoignage, des poèmes?
Une femme de Lyon poète qui signe son livre
L’Eleveur de Pigeons?
–Bien sûr, notre lutte est un tissage d’expériences communes
Un travail collectif
Quelle proposition enrichissante !
Nous nous rencontrons dans Hamra
La rue rouge qui a souffert comme tant de routes
De Beyrouth en guerre
On se reconnaît à nos cheveux
La chimiothérapie les rend frisés, cotonneux
On se reconnaît aussi dans l’intensité du regard
La saisie frénétique du moment de tous les moments
Car ils sont comptés
On parle on parle comme si on voulait réunir tous les mots de la terre et leur trouver des liens
A la présentation, la lecture de ses poèmes est émouvante
La salle retient son souffle
Sa parole met en relief les questions
Et les blessures
Paroles qu’on retrouve dans Le Corps Epique
Livre que j’ai le bonheur de préfacer aujourd’hui
Receuil de poèmes élaborés, grandis dans la maladie
La découverte du corps malade et d’un pays malade
Mots tissés dans la souffrance d’un corps mutilé
Comme des plantes qu’on a voulu écraser
Et qui relèvent la tête dans l’humus des larmes
Au-delà du corps meurtri, beauté d’une femme :
“ Bien sûr le corps est défait
Mais là-bas
Loin
Très loin
Au cœur même de l’enveloppe
Il y a toujours
La jeune fille
Sereine et têtue
Et sous le front fiévreux et chauve
Cette belle chevelure
Qui l’encadre et la protège
Des avatars du temps
Et tout autour de l’âme urgente
Ce halo persistant ”
Et la révolte face au gaspillage
Face à la violence de l’homme
Cris de colère devant son arrogance :
“ Car je vous parle de femmes
Déracinées
De saisons
Inversées
De sève déconcertée
D’errance
Je vous parle
D’une nation de femmes apatrides ”
Mots aussi porteurs d’espoir
Racontant un message universel et lyrique
Dis dans la joie de vivre :
“ Et la terre est ce champ labouré par les larmes
Et la terre est cet oiseau qui rêve d’un ciel plus grand
Et la terre est ce jardinier qui rêve d’horizons plus vastes
Plus universels ”
Et ces phrases ciselées dans la lutte et l’espoir
Pour ses amis à qui elle donne la tâche ultime
De reprendre le flambeau
De l’allumer ailleurs pour que la flamme ne s’éteigne jamais :
“ Nous nous battrons
Nous écrirons chaque matin
Pour survivre
Le lumineux territoire
De nos émois
Demeurant
Le seul pays qui soit ”